LES PARFUMS ONT-ILS UN SEXE ?
«Après une formation de chimiste, je travaillais dans le labo de recherche de Firmenich en Suisse, lorsque j’ai voulu intégrer une école de parfumerie. Et là, on m’a dit non : parce que j’étais une femme, parce que j’étais scientifique, parce que je ne venais pas de Grasse, du sérail. Ça ne m’a pas découragée, au contraire. Ce refus m’a poussée à faire autrement. Petits projets après petits projets – et grâce à quelques mentors, dont Alberto Morillas et Michel Almairac –, j’ai percé le plafond de verre et c’est grâce à ma différence que j’ai pu réussir. » Et bien réussi. Celle qui raconte cette histoire s’appelle Christine Nagel et elle est le nez de la prestigieuse Maison Hermès, où elle a succédé à Jean-Claude Ellena.
En quelques décennies, les codes ont bien changé. l’Isipca, la grande école de parfumerie, compte maintenant une majorité de femmes et, sans études de chimie, point de salut. Pourtant, la parfumeuse Sonia Constant avoue que, pendant son cursus, elle a dû en faire deux fois plus que les garçons pour bénéficier de la même considération. N’empêche ! La liste des nez féminins ne cesse de s’allonger. Existe-t-il pour autant une écriture olfactive typiquement féminine ? Toutes nos expertes interrogées sont formelles : la création n’est pas une question de sexe, encore moins de genre, mais de sensibilité, de personnalité, d’univers. De même, elles travaillent aussi bien les jus masculins que féminins. Poussées dans leur retranchement, certaines reconnaissent, malgré tout, que ces messieurs doutent moins et vont plus facilement droit au but.
Enfin, toutes se retrouvent pour rendre hommage aux illustres pionnières : Germaine Cellier, qui a eu l’audace de composer Vent Vert, en 1947 ; Joséphine Catapano, mère de l’inoubliable Fidji pour Guy Laroche ; et Sophia Grojsman, à qui l’on doit (entre autres) Eternity de Calvin Klein, Trésor de Lancôme et Paris d’Yves Saint Laurent.