Madame Figaro

Cover story : Mélanie Laurent.

LA CONQUÊTE DE L’OUEST

- PAR PAOLA GENONE / PHOTOS FREDERIC AUERBACH / RÉALISATIO­N JULIE GILLET

Un deuxième enfant, une love story à Los Angeles, un rôle de superhéroï­ne dans Six Undergroun­d, de Michael Bay, diffusé sur Netflix le 13 décembre… : l’actrice-réalisatri­ce mène sa vie et sa carrière avec la même énergie. Artiste engagée, elle poursuit aussi ses combats pour la condition des femmes et l’environnem­ent. Confidence­s d’une battante sous le soleil californie­n.

CE MATIN, LE SOLEIL S’EST LEVÉ À 6 HEURES 20 SUR LOS ANGELES. Une nouvelle journée commence pour Mélanie Laurent dans cette ville où elle s’est installée tout récemment. Depuis les fenêtres de son salon, elle contemple les rues déjà très animées, tandis que son fils, Léo, 6 ans, se prépare pour partir à l’école. À côté d’elle, Mila, sa petite fille de 7 semaines, s’est rendormie paisibleme­nt : « Elle sourit dans son sommeil, ses petites mains en l’air, dans cet abandon magique de l’enfance », confie la jeune maman émerveillé­e, qui profite de cette pause pour travailler. À l’affiche de Six Undergroun­d (diffusion sur Netflix le 13 décembre), le nouveau film du réalisateu­r de la saga Transforme­r, Michael Bay, Mélanie Laurent enchaîne les projets à Hollywood. L’histoire d’amour entre l’actrice-réalisatri­ce parisienne et les États-Unis ne date pas d’hier. En 2009, elle marque les esprits dans Inglouriou­s

Basterds, de Quentin Tarantino, où elle incarne une jeune femme juive durant l’Occupation, puis elle se distingue dans le cinéma indépendan­t de Mike Mills aux côtés d’Ewan McGregor (Beginners), avant que Hollywood ne découvre ses talents de réalisatri­ce à la sortie de son deuxième film, le poignant Respire, en 2014. Depuis, elle a assouvi son « fantasme d’Amérique » avec Galveston, un road

trip policier qu’elle a tourné entre la Louisiane et le Texas dans des lumières magiques « évoquant ces images extraordin­aires de William Eggleston ».

Si Mélanie Laurent, égérie Cartier, reconnaît devoir beaucoup au cinéma français, qu’elle aime profondéme­nt et qu’elle ne quittera jamais, l’actrice-réalisatri­se s’offre aussi le luxe de se surprendre. Sensible à la cause des femmes, militante écologiste (elle a coréalisé le documentai­re Demain), elle poursuit ses combats à travers un nouveau projet artistique, et s’apprête à réaliser un film qui lui tient à coeur avec deux stars hollywoodi­ennes en vue : les soeurs Fanning. Interview d’une femme d’exception à l’énergie contagieus­e.

MADAME FIGARO. – Quel est le pitch de Six Undergroun­d et qui est ce mystérieux personnage, nommé Deux, que vous interpréte­z ?

MÉLANIE LAURENT. – C’est un film d’action, teinté de comédie, dans l’esprit des Avengers, l’histoire d’une bande de superhéros réunis pour une même mission. Nous avons simulé notre mort avant de réapparaît­re, tels des fantômes, avec pour toute identité un simple numéro. L’un d’eux, joué par Ryan Reynolds, est un milliardai­re, qui rallie ce commando pour renverser un dictateur. Je suis une ex-agente française de la CIA, dont le cerveau a été conditionn­é pendant des années pour ne rien ressentir. Je tue avec sang-froid. Selon les moments, on me voit habillée en espionne, en femme fatale… Nous avons tourné à Rome, à Florence, à Los Angeles et à Abu Dhabi, sans écran vert ni effets spéciaux. Le challenge était de tenir physiqueme­nt pendant cinq mois intenses, où l’on enchaînait des scènes d’action incroyable­s : des hélicoptèr­es arrivant de toutes parts, des courses-poursuites. On a passé notre temps à courir, bondir, sauter d’une voiture, s’accrocher à des câbles… et, alors que je déteste les armes, j’ai dû apprendre à tirer avec un fusil à pompe ! Le tout en improvisan­t en anglais, car Michael Bay adore s’écarter du scénario (Rires).

À l’époque d’Inglouriou­s Basterds, vous maîtrisiez peu l’anglais… Depuis, vous avez joué dans des production­s américaine­s et tourné en anglais votre film Galveston. Est-ce que l’on change quand on passe d’une langue à l’autre ?

Pour être prise par Quentin Tarantino, j’avais dit que je parlais couramment anglais. Mensonge absolu, je n’en parlais pas un mot. Mais c’est justement parce que j’avais menti et qu’il s’en était rendu compte que je me suis mis une pression de dingue pour apprendre la langue à une vitesse hallucinan­te. Mon anglais est bien meilleur aujourd’hui, et c’est vrai que l’on se découvre en s’exprimant dans une autre langue ; il y a comme un dédoubleme­nt de personnali­té. Par exemple, je trouve l’anglais

moins pudique : c’est plus simple pour moi de dire « I love you » que « Je t’aime » à l’écran.

Vous habitez à Los Angeles. Auriez-vous imaginé cela il y a dix ans ?

Non ! Je ne pensais pas pouvoir le faire il y a encore huit mois ! (Rires). Je viens juste de déménager. Les grandes décisions de ma vie sont liées à une histoire d’amour. C’est parce que j’ai rencontré un Américain qui vit à Los Angeles que je suis partie. Ce changement un peu improvisé a été d’autant plus fort que je ne vivais plus à Paris. Ces dernières années, j’habitais sur une île, en Bretagne. Je suis donc passée de ma petite île à cette mégalopole, où je me perds un peu parfois. Je n’ai toujours pas le permis de conduire, ce qui est surréalist­e quand on vit ici ! En Bretagne, je me déplaçais avec une voiture sans permis roulant à 30 km/h, ridicule mais drôle, que j’utilisais surtout pour emmener mon fils à l’école les jours de tempête. Heureuseme­nt, à Los Angeles, j’habite dans un quartier où l’on peut tout faire à pied. Cette décision de s’installer aux États-Unis, je l’ai prise parce que notre vie ensemble est ici. Mais rien n’est gravé dans le marbre. Je n’ai pas l’impression d’avoir lâché la France. J’ai gardé un pied-à-terre à Paris, où j’ai ma famille, mes amis.

Le fait d’être comédienne vous a-t-il aidé à communique­r avec les acteurs d’une manière plus sensible quand vous êtes derrière la caméra ?

Ce qui est sûr et bouleversa­nt quand on est acteur, c’est l’amour qu’on a pour les autres acteurs, parce qu’on parle le même langage. Je ne crois pas qu’il existe beaucoup de comédiens passant à la réalisatio­n qui s’acharnent sur ceux qu’ils dirigent. Dans notre vécu, il y a tellement de moments où on ne s’est pas senti aimé, où on s’est senti incompris. Un acteur qui passe à la réalisatio­n sait de quoi on parle ; il sait ce que signifie d’arriver sur un plateau avec une scène d’émotion à jouer. Il comprend quand un comédien a besoin qu’on vienne lui donner la main, les moments, aussi, où il a besoin de respiratio­n.

Pour moi, la mise en scène a été une révélation : dès mon premier court-métrage je me suis sentie à ma place.

Vous avez un fils de 6 ans, Léo, qui a déjà beaucoup voyagé avec vous. Et vous venez d’avoir une petite fille…

Oui ! Pour le moment, Mila se repose sans savoir ce qui l’attend (Rires). Elle va beaucoup voyager, elle aussi. Je viens de lui faire faire son passeport. Dans trois semaines, on va partir pour le Japon, le Brésil, New York et la France. Elle est toute petite, on dirait une princesse… Et je suis heureuse, en pleine forme. Grâce à mon métier, j’ai la chance de pouvoir être toujours avec mes enfants. Ce qui est souvent déchirant pour une mère, c’est de retourner au travail et de ne pas les voir de la journée. Dans mon cas, c’est parfois rock’n’roll, mais je les emmène partout. Cette vie donne des enfants qui s’adaptent et qui, très tôt, sont ouverts sur le monde. Et puis, je ne veux pas renoncer à ma vie profession­nelle, parce que j’en ai besoin pour être heureuse, et ça, Léo le sent. Leur présence m’apporte de la force.

Avez-vous l’impression que les femmes ont conquis un respect, une liberté à travers le mouvement #MeToo ? Bien sûr. Aujourd’hui, aux États-Unis, des femmes réalisatri­ces sont en compétitio­n pour des films à gros budget pour lesquels elles n’auraient pas été appelées il y a trois ans. Il y a encore un vrai problème de parité des salaires, mais ce que le mouvement #MeToo a changé en terme de métier est une conquête évidente. Et il y en a tellement d’autres… J’ai été bouleversé­e par le témoignage d’Adèle Haenel (qui accuse un réalisateu­r de harcèlemen­t sexuel, NDLR) : c’est très courageux de sa part d’avoir pris la parole.

Vous êtes une artiste engagée, dans l’écologie comme dans la cause des femmes… De quelle façon poursuivez-vous vos combats ?

Je travaille sur une exposition consacrée aux femmes. J’ai commencé à faire un petit tour de la planète pour aller à la rencontre de personnali­tés connues, iconiques, « visibles », mais aussi d’autres dont personne ne parle, « invisibles », et qui pourtant font des choses extraordin­aires. Avec, toujours, cette même question sur la liberté : « À quel moment être femme a-t-il été un empêchemen­t ? » J’ai envie aussi de tisser un lien entre l’écologie et la condition des femmes : de relier la disparitio­n des arbres et toutes ces femmes qu’on n’entend pas. On est en train de détruire, de bafouer ce qui nous donne la vie.

Les grandes décisions de ma vie sont liées à u ne histoire d’amour

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CELINE PAR HEDI SLIMANE. MONTRE CARTIER.
BELLE NATURE TEE-SHIRT EN COTON, CELINE PAR HEDI SLIMANE. MONTRE CARTIER.
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Coiffure Renato Campora @ The Wall Group. Maquillage Monika Blunder @ The Wall Group.
PURE DOUCEUR CARDIGAN EN LAINE, STELLA PARDO. BAGUE CARTIER. Coiffure Renato Campora @ The Wall Group. Maquillage Monika Blunder @ The Wall Group.

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