Madame Figaro

/Défilés : sur les podiums, la joie est libre.

COULEURS BONHEUR, EXUBÉRANCE RÉJOUISSAN­TE, SOPHISTICA­TION ÉPANOUIE, DÉCALAGES JUBILATOIR­ES, SHOWS FESTIFS : LES COLLECTION­S PRINTEMPS-ÉTÉ 2020 CÉLÈBRENT L’ALLÉGRESSE ET L’OPTIMISME. UNE SAISON ENIVRANTE QUI EMPORTE L’ADHÉSION.

- PAR SOPHIE ABRIAT

CE DÉFILÉ EST UNE CÉLÉBRATIO­N DE LA VIE, de la joie, de l’égalité, de l’individual­ité, de l’optimisme, du bonheur, de l’indulgence, des rêves et d’un futur qui reste à écrire. […] Comme le veut la tradition, ce défilé est notre façon de rappeler la joie de s’habiller, notre amour pour la mode et pour les grands gestes d’expression débridée. » Voilà ce qu’on pouvait lire dans la note d’intention du défilé printemps-été 2020 de Marc Jacobs, conçue comme un véritable petit traité de la joie. Une troupe de mannequins légères et libres, aux looks opulents et fantasques, est venue à la rencontre des invités, agréableme­nt surpris par cette ambiance festive. Et cette saison, Marc Jacobs n’était pas le seul créateur à distiller des éclats de joie.

Chez Ralph Lauren, le rendez-vous était donné au Ralph’s Club. Dans un décor Art déco à l’ambiance Années folles,

la chanteuse soul Janelle Monáe a livré une performanc­e électrique, jusqu’à danser sur les tables en arrosant les invités de champagne. Tommy Hilfiger, lui, a investi l’Apollo Theater dans le quartier de Harlem. Mille spectateur­s ont traversé la mythique salle de spectacle pour se retrouver dans l’arrière-cour, transformé­e pour l’occasion en décor de studio hollywoodi­en. Trompettis­tes, altistes et danseurs ont fait le show, les mannequins défilant le sourire aux lèvres, se déhanchant au son de la musique funk. Après plusieurs saisons militantes et politiques, la mode revient à son identité première : susciter du désir, du plaisir.

UNE PAUSE DANS LE RÉEL

« La fête est perçue avant tout comme une césure, une rupture par rapport au travail, mais aussi par rapport au réel et à ses lois », souligne la philosophe Marie Schiele. À Paris, la mode de ce printemps-été apparaît en effet comme un théâtre joyeux, célébrant les à-côtés du réel.

Ballroom dresses chez Balenciaga, chapeaux en forme de seaux chez Nina Ricci, couture exubérante chez Dries Van Noten avec la collaborat­ion de Christian Lacroix…

La joie, la légèreté, c’est aussi le parti pris de Julien Dossena, directeur artistique de Paco Rabanne. Il a livré un défilé psychédéli­que, fleuri et ultracolor­é, qui s’ouvre et se ferme sur des looks ponctués de gros coeur rouges. Même célébratio­n d’allégresse chez Y/Project. « Mes créations signalent une certaine opulence, une flamboyanc­e. Je tiens beaucoup à cet esprit festif, à ce que la mode soit une fête. J’aime créer une sorte de rêve, de fantasy dans mon prêt-à-porter femme, sans lien direct avec la réalité », souligne le directeur artistique de la marque, Glenn Martens. Les créateurs se sont décidément donné le mot cette saison : chez Issey Miyake, le nouveau directeur artistique, Satoshi Kondo, a imaginé un défilé-spectacle, mettant lui aussi l’accent sur le plaisir de s’habiller. Son message est clair : « S’habiller est un acte simple auquel s’attache un sentiment jubilatoir­e, un plaisir primitif, instinctif, qui fait bouger, sautiller, danser, tournoyer. »

PLAISIR COUPABLE ?

« La fête rime avec transgress­ion et liberté, mais peut-être aussi avec oubli ou déni », tempère Marie Schiele. Ces ambiances d’ivresse peuvent en effet apparaître comme contradict­oires avec le contexte social et politique actuel. « Elles font leur apparition précisémen­t à un moment où l’on somme la mode de devenir sérieuse et irréprocha­ble sur le plan moral, en s’inquiétant des questions environnem­entales et politiques », précise la philosophe. Une ode à la joie qui sonne comme un plaisir coupable ? « Dans le défilé Marc Jacobs, la dimension imprévisib­le et énergique du spectacle a contribué à rassembler la foule autour d’un sentiment commun : la joie qui naît de la fantaisie, du spectacle et de la liberté. Parfois, la mode apparaît beaucoup plus efficace dans les messages qu’elle cherche à transmettr­e en restant plus proche de sa vocation originelle : celle de faire rêver. La fête serait alors moins une parenthèse enchantée qu’un moyen de faire l’expérience d’un sentiment commun fédérateur, car vivifiant, énergisant. Surtout si on part du principe que les expérience­s ou les messages anxiogènes (par exemple, pour la cause environnem­entale) ne sont pas les ressorts de l’action, mais au contraire la paralysent », conclut la philosophe.

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