Madame Figaro

“Un bon leader est aussi un réducteur de temps de crise”

- PAR VIVIANE CHOCAS

IL A ÉTÉ L’ENTRAÎNEUR DES PLUS GRANDS JOUEURS DE FOOTBALL À ARSENAL, PARLE CINQ LANGUES ET EST DIPLÔMÉ EN GESTION ET ÉCONOMIE. IL REVIENT POUR NOUS SUR SA MÉTHODE : COMMENT REPÉRER LES TALENTS ET LEUR PERMETTRE DE S’ÉPANOUIR ? DU TERRAIN À LA VIE D’UN COLLECTIF BUSINESS, UNE LEÇON DE LEADERSHIP.

Qu’est ce qui fait un bon leader, selon vous ?

D’abord avoir confiance en soi. Car vous devez partager votre vision avec les autres. Quel que soit le domaine, je crois qu’il faut des valeurs que l’on énonce et que l’on respecte, un projet clair, et la force de se faire écouter. C’est un peu un mystère, car il y a des gens qu’on écoute, et d’autres pas. La capacité d’exprimer clairement ce que l’on ressent est une forme d’intelligen­ce, et la clarté dans le discours très importante quand on mène une organisati­on. Car, ensuite, votre projet doit devenir celui de vos joueurs, ou de vos salariés, vous devez faire en sorte qu’ils le défendent mieux que vous. Il faut aussi créer une culture d’équipe avec des gens qui viennent de milieux divers. Il m’est arrivé d’avoir une équipe avec onze joueurs de pays différents ! L’entraîneur, c’est un guide, incroyable­ment résistant au stress, et capable de nager contre le courant. Un bon leader est aussi un réducteur de temps de crise.

Vous accordez rapidement votre confiance, comme un préalable à la relation. Pourquoi ?

Parce que si l’on voit des ennemis partout, on court au désastre.

J’ai foi en l’humain, on n’entraîne pas des équipes sans ça.

Comment nourrit-on ensuite cette confiance au sein d’un groupe ?

Le quotidien nous fait vite oublier nos propres qualités, car beaucoup se chargent de vous renvoyer à vos défauts, de vous rappeler tout ce que vous n’avez pas fait ! Le bon entraîneur, le leader juste, rappelle à chacun qu’il est là parce qu’il a des qualités. Il doit permettre à chacun de rencontrer ses besoins : c’est la condition de l’épanouisse­ment individuel au sein d’une structure collective. Et puis, il y a des éléments à part. Comme, en équipe de France (masculine), N’Golo Kanté. Je m’explique : quand il ne joue pas, l’équipe de France a 50 % de chances de gagner. Quand il joue, ça monte à 75 %. Car il accepte de secourir les autres. Il met de la colle entre les gens, et son comporteme­nt généreux devient contagieux. On peut se dire : si lui le fait, je le fais aussi. Une telle personnali­té est une pièce maîtresse dans un collectif.

Vous aimez « transforme­r une idée en pratique ». Autrement dit, faire avec le réel ?

Être entraîneur, c’est accepter de se remettre en question car vous ne pouvez pas échapper au réel. Mais partout, j’aime dire que les obstacles, c’est la vie même. Aujourd’hui, on voudrait éviter aux enfants qu’on élève les obstacles. Je pense qu’on devrait leur apprendre à les franchir ! J’ai compris que pour gérer des personnali­tés fortes, il faut du respect et de l’empathie. Les gens les plus forts, souvent aussi les plus exigeants avec eux-mêmes, peuvent devenir agressifs quand ils ne contrôlent pas la situation. Il faut accepter le face-à-face.

Vous, Arsène Wenger, qu’est-ce qui vous rend meilleur ?

Entraîner une équipe, un groupe, c’est s’adapter, avec cette question assez simple en tête : what is my next

level ? Où est le niveau suivant, et comment je fais progresser mon groupe ? Je crois à la nécessité de ne pas être immobile. Je vis avec l’espoir que demain j’en saurai plus, et que je serai meilleur. Est-ce pour moi un moyen d’échapper à la banalité que le quotidien nous propose ? Pas impossible ! Mais c’est ma façon d’avancer. J’aime cette phrase que j’ai lue un jour : « L’âme devient ce qu’elle regarde. » Le boulot d’un leader, c’est aussi d’ôter le négatif de la tête des gens. Regardons nos qualités plus que nos défauts.

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