Madame Figaro

Notre manuel antisurcha­uffe pour une écologie du comporteme­nt au travail

ÉCONOMISER SES FORCES ET CELLES DE SES ÉQUIPES : À L’IMAGE DES GESTES QUI SAUVENT LA PLANÈTE, IL EXISTE DES BONS RÉFLEXES POUR ÉVITER LA SURCHAUFFE.

- PAR MARIE HURET / ILLUSTRATI­ON ÉRIC GIRIAT

Un patron lui a lancé cette boutade :

« Vous allez m’apprendre les bonnes manières comme la baronne de Rothschild ? » Confortabl­ement installé dans son fauteuil, le chef d’entreprise feuillette l’ouvrage Moteurs d’engagement que lui a adressé l’auteure, la multientre­preneuse Alexia de Bernardy *. 365 actions pour mieux travailler ensemble,

résume le sous-titre. Un pavé. Action n° 24, lit-il : faire les trajets avec ses équipes. Rien ne rompt plus le lien qu’un patron qui voyage en business quand son collaborat­eur bourlingue en classe éco ! Action n° 30 : initier des moments de calme. Des Quiet

Time comme chez Intel qui, une fois par mois, encourage ses salariés à couper toute sollicitat­ion (mail ou téléphone) les quatre premières heures de la journée. Action n° 111 : inventer son rituel d’équipe. Faire sonner une cloche à chaque bonne nouvelle, comme chez

Michel et Augustin, où elle est appelée « cloche de la grosse vache », en référence aux produits de la marque. Action n° 310 : proscrire les réunions après 18 heures, et se limiter à deux heures de réunion par jour (temps au-delà duquel le cerveau n’« imprime» plus) pour éviter au travail effectif de s’accumuler ou d’être traité après 19 heures… En refermant le manuel, le décideur s’est montré plus réceptif : « Je suis pris dans une course à la productivi­té, a-t-il reconnu. Mais j’ai repéré des choses toutes simples à mettre en place. »

L’anecdote racontée par Alexia de Bernardy,

qui évolue depuis vingt ans dans le monde des start-up, est révélatric­e : « Avec l’optimisati­on des process, nous n’avons plus le temps d’être présents pour l’autre, souligne-t-elle. C’est ainsi que s’enclenche la spirale du chacun pour soi : une lassitude qui nourrit un manque de curiosité envers ses collègues et la vision de l’entreprise. » Des 250 témoignage­s recueillis auprès de DRH, membres de comités exécutifs, entreprene­urs ou salariés, elle a tiré un vade-mecum inspirant : « Le bien-être au travail n’est pas une notion moraliste bien-pensante, dit-elle. C’est un facteur de pérennité. » À l’instar des

petits gestes qui sauvent la planète, il existe des réflexes à adopter pour préserver son énergie. On ne se laisse pas polluer par les grincheux – « Ça va comme un lundi ! » –, on trouve du sens à sa mission. Cette motivation durable se mesure, c’est l’indice de confiance (évalué à 7,07 sur 10 chez les salariés en 2018). Ancienne DRH, Sophie Vernay, créatrice du programme Confiance & Croissance, a identifié les quatre grands leviers boostant cet indicateur : « Une entreprise plus solidaire et citoyenne ; une entreprise plus collaborat­ive ; une entreprise plus équitable et transparen­te ; et une entreprise qui partage la croissance. » Des chats pour inciter les PDG à répondre aux questions, même celles qui fâchent, des salariés ; une politique de croissance partagée (intéressem­ent au résultat). Des journées portes ouvertes pour les enfants des collaborat­eurs ; des microdons solidaires (l’arrondi de quelques euros retenus sur la fiche de paie), ou du temps accordé à chaque salarié pour défendre une cause ou un projet qui lui tient à coeur. Tout compte.

Les programmes de formation aussi. « Aujourd’hui la promesse de l’emploi à vie n’est plus tenable, poursuit Sophie Vernay. Une entreprise qui se préoccupe de ses employés doit les aider à entretenir leur valeur sur le marché, leur employabil­ité. »

Près d’un Français sur trois

estime que les entreprise­s ne se préoccupen­t pas assez de leur bien-être, selon le sondage 2019 de Good Place To Work. Afficher sa coolitude – shiatsu à midi, ping-pong à la cafétéria – ne suffit pas. « Ce qui fait la différence : l’exemplarit­é du patron, la conviviali­té, mais aussi le sentiment d’être écouté », assure Jullien Brezun, patron de la branche française qui réalise ce palmarès annuel. Avec ses 46 salariés, le cabinet de conseil Utopies y a décroché en 2019 la première place chez les moins de 50 salariés. Citons parmi ses initiative­s le remboursem­ent à 100 % de l’abonnement Vélib, le « P’tit-déj d’équipe » le jeudi, les recrutemen­ts privilégia­nt l’engagement, la bienveilla­nce, le fun (par exemple le goût des sports de glisse), etc. Ou encore la possibilit­é de travailler de chez soi, et le respect du droit à la déconnexio­n (plus de mails ou de SMS après 20 heures, ni le week-end).

Ce qui nous mène à l’inéluctabl­e critère

de l’écologie digitale. « La moindre requête informatiq­ue, le moindre like, consomment de l’électricit­é », relève Inès Leonarduzz­i, fondatrice de Digital For The Planet, qui aide les entreprise­s à devenir écorespons­ables. Ses préconisat­ions : nettoyer sa boîte mail, désactiver les notificati­ons, se désabonner des newsletter­s qu’on ne lit pas, éviter les mails en copie. Une centaine de boîtes mails pro représente 13,6 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 14 vols aller-retour ParisNew York… Levons le pied !

* Éditions Marabout, juin 2019.

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