Comment s’entourent les femmes qui réussissent ?
ELLES SONT CHEF D’ENTREPRISE, PRODUCTRICE OU CONSULTANTE ET CHERCHENT EN PERMANENCE À CONCILIER PERFORMANCE AU QUOTIDIEN ET BESOIN DE SE PRÉSERVER POUR DURER. COMMENT APPRENDRE À DEMANDER DE L’AIDE, À MULTIPLIER LES RELAIS DE CONFIANCE ET LES PLANS B, À LA MAISON COMME AU TRAVAIL ? COMMENT SE CONSTITUER UN SOLIDE RÉSEAU DE PROFESSIONNELS POUR RESSOURCER LE CORPS ET L’ESPRIT ? MANIFESTE POUR UNE NOUVELLE ÉCOLOGIE DE SOI.
John aime la musique électronique, donne cinq jours sur sept, même l’été, des cours de vélo à haute vitesse dans une salle sombre chez Dynamo, porte un tatouage sur l’épaule gauche et ignore sans doute à quel point il a oeuvré à la réussite d’une récente campagne de publicité pour une marque de prêt-à-porter. L’anecdote peut prêter à sourire… Pourtant, ses quarantecinq minutes de cours le vendredi soir ont bel et bien été le rendez-vous qu’Éléonore Baudry n’a jamais raté depuis son arrivée chez Figaret, en novembre 2018. À la tête de ce temple de la chemise fondé en 1968, il s’agissait pour elle de « gérer comme une start-up une entreprise qui était une marque vieille de cinquante ans », confie-t-elle. Or, la quadra, qui a auparavant dirigé la stratégie de Kering en France, puis celle de Gucci Group à New York, sait combien pour avancer vite et bien une femme à un poste à responsabilités a besoin d’un écosystème vaste, qui s’étend d’une équipe professionnelle solide à tout un faisceau de relais, qui lui permet d’être un peu plus libre et un peu plus forte. « J’ai eu la chance d’avoir un jour une boss qui m’a conseillé d’identifier les moments où je produisais les meilleures idées, explique-t-elle. Or, chez moi, ça passe par la lecture ou par le corps. » Dans ce cadre, le cours de John représente pour elle une sorte de climax. « Plus le corps vibre à son rythme optimal, plus notre esprit, nos projets, sont inventifs et complets », estime de son côté le naturopathe Stephan Jaulin.
Avant de parvenir à cet état, l’urgence est déjà de tenir le coup et… la distance. Pour continuer à être « performante » sur la durée, sans s’épuiser ni épuiser ses équipes. Pour certaines, il va s’agir de mieux dormir. Pour d’autres, de prendre le temps de mieux s’alimenter (lire p. 38). Mais, pour toutes, le point-clé reste la gestion de l’imprévu – la réunion qui s’improvise à 18 heures, la grève des enseignants, l’exposé du petit dernier à préparer pour le lendemain, le virus qui cloue au lit, etc. Dans une vie dense et sous pression, le moindre grain de sable dans les rouages peut mettre en péril un équilibre déjà fragile… D’où cette conclusion : parvenir à une bonne gestion de soi, c’est aussi – et peut-être avant tout – mettre en place une bonne gestion des autres. Instaurer des relais, élaborer des plans B. Pour accepter mieux l’irruption de la vie. Et aussi – c’est la nouveauté, après des années de Wonder Woman attitude – de demander de l’aide, sans y voir un aveu de faiblesse, mais bien un chemin vers une autre forme de puissance, davantage de sérénité - ce n’est pas interdit !- et de douceur.
Pour autant, pouvoir se dire « je ne suis pas seule » est loin d’être aisé au sein de l’entreprise. Même si le collectif fait figure de graal ou de « totem », comme l’analyse la philosophe Julia de Funès *. Bien s’entourer demande de repenser complètement la notion de réussite individuelle, pour créer les conditions favorables à l’implication et à l’expression de l’intelligence de tous… Plus question dans ces conditions de tirer la couverture à soi. L’idée est de comprendre que l’on peut aussi être portée par le talent des autres, qu’il nous nourrit, nous allège, plus qu’il nous menace. Petite révolution… « Si le collectif réunit des individualités fortes alors, oui, il est propulseur, poursuit la philosophe. Comme il peut l’être dans le sport, où chaque individualité doit être la meilleure pour faire partie de l’équipe et aller plus loin à plusieurs. »
Pas de recette miracle ici, juste un constat empirique : trouver le bon entourage dans la vie privée comme dans la vie professionnelle permet d’avancer vite et mieux. Six femmes aux univers très différents, mais ayant pour point commun un quotidien intense, ont accepté de détailler pour nous leurs outils pour y parvenir.