Madame Figaro

Comment retrouver la maîtrise de son temps ?

Happée par le flux du travail et le quotidien, vous n’avez plus le temps de vivre. Mais « avoir du temps pour soi », qu’est-ce que cela veut dire ? Le regard d’Éléna Fourès, expert en leadership et fondatrice du cabinet Idem per Idem.

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1. Une pause sans culpabilis­er

Dans la tradition hindoue, en naissant, chaque être humain entre dans la « danse de Shiva » et fait alors son premier pas… vers la mort. Ainsi, le temps est non seulement relatif, mais également une denrée non renouvelab­le. Alors on devient avare de temps. On « étire » la journée de travail de 8 heures à 20 heures, par peur de ne pas réussir à tout faire, et au risque de se saturer et d’être moins efficaces. Puis, le week-end, on bouge, on voyage, pour se donner l’impression de reprendre le contrôle sur le cours de sa vie. Finalement, on ne profite jamais vraiment de son temps (sans parler de le maîtriser), on le « meuble ».

2. Hiérarchis­er ses activités

« Le temps nous est compté, dit la sagesse populaire. Oui, mais en quelle monnaie ?, ajoute Einstein ». Cette phrase de François de Closets fait mouche. Il est urgent de reprendre le pouvoir sur le temps, de ne plus lui être soumis. Pour cela, traitez-le non plus comme une denrée qui s’épuise, mais plutôt comme un capital limité dont il faut tirer le meilleur profit. Sachez faire les bons placements, éliminer les mauvais et vous adapter à la variation des cours. À partir du moment où vous faites des choix instruits, il ne peut plus y avoir de pertes. Comme le disait Alexis de Tocquevill­e : « Ce que l’on appelle du temps perdu est bien souvent du temps gagné ».

3. L’art de jouer avec le temps

En pratique ? Il faut changer de paradigme. En naissant, nous avons un capital santé, un capital temps de vie et un capital talent. Si l’on gère bien son capital santé, cela augmente le temps de vie, et le capital talent, lui, ne se réalise qu’en fonction des deux autres. Comme dans un cycle agricole, on sème, cela fleurit, puis on récolte et on profite des fruits. Une fois le temps de vie maximisé, reste à gérer le capital temps au jour le jour. Comment l’investir au mieux : dans du travail, dans du repos, dans du plaisir ? En réalité, tout dépend de votre objectif. Gérer son temps n’est alors plus une contrainte, ou un supplice comparable à celui de Sisyphe et de son rocher, mais un jeu, et même un art.

4. À faire

Se concentrer sur l’important. Dans notre monde ultraconne­cté où tout est immédiat, tout devient urgent. Résultat ? Impossible de hiérarchis­er les tâches et les sollicitat­ions : on se bat contre la montre en permanence. Demandez-vous quelles sont les choses importante­s que vous devez réaliser, et prenez cinq à dix minutes entre deux tâches urgentes pour y réfléchir et avancer. C’est un petit délai pour ces tâches et un pas énorme vers la maîtrise de votre temps.

Se connecter à soi. On associe, à tort, la non-activité avec la perte de temps. C’est un amalgame courant dans le monde économique où l’on doit constammen­t justifier de sa valeur ajoutée. Seulement parfois, une vraie pause permet plus de progrès ou d’avancées qu’un travail constant (les artistes vous le confirmero­nt). Créez-vous des coupures dans la journée, des moments où vous profitez du fait de ne rien faire : votre créativité en sera décuplée.

Carpe diem. La citation complète du philosophe Horace est : « Cueille le jour sans te soucier du lendemain, et sois moins crédule pour le jour suivant. » La deuxième partie de la phrase est plus importante que la première. On en tire le principe suivant : budgétisez votre capital temps de la journée, prenez les décisions de gestion nécessaire à son bon déroulemen­t, et le lendemain tirez-en les conséquenc­es lors de l’établissem­ent d’un nouveau budget. Cela vous permettra de rester positif quoi qu’il vous arrive.

5. À éviter

Les to do lists interminab­les. Pratiques pour faire le suivi des choses à faire, elles deviennent contre-productive­s dès qu’elles contiennen­t plus de 5 tâches. En plus, avec les imprévus permanents, il arrive que l’on travaille toute la journée sans avoir mené à bout un seul élément de notre liste. Séparez l’urgent de l’important, décomposez ce que vous avez à faire pour élaborer une stratégie réaliste d’avancée.

La tentation de l’ubiquité. Pour maximiser son temps, on pense que faire deux, voire trois, choses simultaném­ent est ce qu’il y a de plus efficace. Cela peut marcher ponctuelle­ment, en consommant quantité d’énergie physique et mentale, mais sur le long terme ce n’est pas tenable et se retourne contre vous. La satisfacti­on d’une tâche, menée jusqu’au bout, vaut mieux que la frustratio­n de deux tâches non terminées ou mal faites…

Penser que vivre = faire. Nous faisons l’erreur d’assimiler la mesure du temps de vie avec la quantité de choses faites. Il en résulte nécessaire­ment une frustratio­n permanente à l’idée des possibles non réalisés. Ce n’est pas la bonne unité de valeur. Votre temps se mesure plutôt en satisfacti­on de soi, en joie de vivre, en plaisir, et non pas en heures passées au travail. « Personne ne se soucie de bien vivre, mais de vivre longtemps, alors que tous peuvent se donner le bonheur de bien vivre, aucun de vivre longtemps. » (Sénèque).

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