VANESSA SPRINGORA OU L’AFFAIRE MATZNEFF
LES FAITS. Actuelle directrice des éditions Julliard, Vanessa Springora a rencontré l’écrivain Gabriel Matzneff alors qu’elle avait 13 ans et lui 49, à l’occasion d’un dîner. Il a bientôt séduit cette enfant de divorcés, dont le père était aux abonnés absents. Elle ignorait encore la prédilection de cet auteur dandy aux airs de bonze pour « les moins de seize ans » (titre d’un de ses essais) comme ses séjours en Asie dédiés au tourisme sexuel avec de jeunes garçons. Leur relation durera deux ans.
LIVRE CONTRE LIVRE. Longtemps convaincue de ne pas être une victime parce qu’elle était « consentante » (notion qu’elle interroge), celle dont Matzneff a fait un personnage dans ses livres, sous le nom de « Vanessa S. » ou de « V. », a décidé de « prendre le chasseur à son propre piège ». À 47 ans, elle donne sa version de l’histoire dans Le Consentement.
LA MORALE DE L’HISTOIRE. Prédation sexuelle et psychologique, emprise, domination, vie ravagée : si ce récit au cordeau a été entamé avant l’affaire Weinstein ou les déclarations d’Adèle Haenel, il y fait bien sûr écho. Il marque une nouvelle étape dans la prise de parole des victimes – et confirme un basculement d’époque et d’opinion. La pédophilie de Gabriel Matzneff, qu’il n’a jamais cachée, ne l’a pas empêché de recevoir la reconnaissance de ses pairs (jusqu’au Renaudot de l’essai en 2013). La littérature l’avait longtemps mis au-dessus de la morale. Ce n’est plus le cas, si l’on en juge par la réception du Consentement et l’emballement suscité par la séquence, devenue virale, de Bernard Pivot interviewant en 1990 Matzneff dans Apostrophes sur son goût pour les « lycéennes et les minettes ». L’ex-président de l’Académie Goncourt a fait état de ses regrets, affirmant ne pas avoir eu « les mots qu’il fallait ». Et le parquet de Paris a ouvert le 3 janvier une enquête pour viols sur mineur de moins de 15 ans. « Le Consentement », de Vanessa Springora, Éditions Grasset, 216 p., 18 €.