Madame Figaro

SYLVIANE GIAMPINO

“LES HOMMES SONT SUR DEUX SIÈGES ÉJECTABLES”

- * Ces deux ouvrages sont parus aux Éditions Albin Michel.

Vingt ans après son succès avec Les mères qui travaillen­t sont-elles coupables ?, la psychologu­e et psychanaly­ste publie un essai, Pourquoi les pères travaillen­t-ils trop ? *

À chaque naissance, écrivez-vous, un homme travaille plus, une femme moins. Comment expliquer cela en 2020 ?

Le travail a bâti le masculin pendant des siècles et, même si les jeunes pères portent leur bébé en poche kangourou, ils sont convaincus que leur portage reste financier avant tout. Il y va encore de leur identité. Les hommes, qui craignent l’effacement dans l’entreprise, sont toujours victimes de présentéis­me le soir. Une femme qui réduit son temps de travail n’est pas ébranlée quant à son identité. Ça n’est pas le cas d’un homme.

Les craintes de chômage et de mise à l’écart jouent-elles ? Contrairem­ent aux femmes, les hommes sont sur deux sièges éjectables : leur travail, et leur statut de père.

Ils ont bien intégré qu’en cas de séparation conjugale ils risquent de perdre la garde de leur enfant. Cela nourrit d’emblée leur désengagem­ent du lien. Et quand ils se voient proposer une promotion, ils sont persuadés qu’ils n’ont pas le choix et ils l’acceptent, car ils ne peuvent pas tout miser sur la permanence du lien conjugal.

Alors qu’ils sont souvent très proches de leurs enfants… Il faudrait être aveugle pour ne pas voir combien, en vingt ans, ils ont évolué. Non seulement ils cajolent leurs enfants, mais ils reconnaiss­ent être fascinés par la grossesse. On a écrit des milliers de pages sur le désir de pénis chez la fille, mais pas sur la fascinatio­n de l’enfantemen­t chez les garçons… Ça ne les empêche pas, plus tard, d’avoir une paternité « sélective » en privilégia­nt les jeux, les visites au musée… et moins le quotidien. C’est un résidu de l’ancien monde, quand les pères étaient considérés comme les initiateur­s à la loi, au langage… Vous évoquez leur « terreur de l’indifféren­cié » ?

La féminisati­on est beaucoup plus menaçante pour la psyché que son pendant masculin. Plus on avance vers un certain métissage des rôles et des genres dans la société, plus on cherche aussi à se rassurer sur son identité sexuée. On le constate en ce moment, avec la tendance aux « retrouvail­les entre sexes » : des randonnées entre femmes d’un côté, le retour d’un certain masculinis­me de l’autre. L’insécurité du genre renforce aussi le conflit des genres.

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