Édito/« L’âge des possibles. »

JJ’ai 44 ans selon l’état civil, mais aussi selon ma peau, selon les hommes de 30 ans qui ne me regardent plus et l’absence totale d’ambiguïté sur le « mademoiselle ». Pourtant, je suis persuadée d’en avoir toujours 32.

Un 32 qui court les concerts le soir (avec des gueules de bois certes plus difficiles), qui sort en boîte de nuit (mais je vous préviens, je rentre tôt parce que demain j’ai une grosse journée), qui va au cinéma (tu sais, ce film avec ce jeune acteur incroyable, comment il s’appelle, déjà ?), qui lit des livres (avec un faible pour les biographies), qui a la chance de voyager (tu me feras penser d’appeler le chiro pour mon dos et de ne pas oublier les bas de contention pour l’avion), qui continue de se faire draguer (même si les mecs ont les tempes grises, mais on nous a expliqué depuis toujours que c’était ultrasexy chez eux, contrairement à nous – j’ai jamais trop compris pourquoi), et qui a toujours le coeur qui bat quand elle descend dans la rue pour s’unir et protéger les droits de tou.te.s (rien de changé).

Et puis, il y a eu Aline. Cette fille de 30 ans – mon âge, donc — que j’ai rencontrée à un dîner et qui, au milieu de la conversation, m’a avoué qu’elle aimerait bien être comme moi plus tard. Stupeur... et fierté. Sans rien avoir demandé, je me suis fait jeter du club des jeunes. C’est la vie, c’est comme ça. Étrange moment qui me renverse et que je digère, comme toutes les autres informations qui s’accumulent et qui s’invitent dans ma vie : celle de la femme d’après. Une femme finalement plus sereine, qui apprend à mieux vivre avec ses angoisses et à prendre de la distance sur les choses. Une femme qui a compris que la vie n’est pas dans la projection d’un futur à la réjouissance utopique, mais là, ici et maintenant, même si c’est un peu plus sobre. Une femme qui (se) juge moins et qui sait mieux écouter, aimer et comprendre. O.K., voilà, j’ai 44 ans, ça me va. Jusqu’à l’année prochaine !