Décryptage : les Obama, un couple en or.
IDOLES DES MÉDIAS, L’EX-PRÉSIDENT ET SA FIRST LADY CUMULENT CONFÉRENCES, MÉMOIRES, GRAMMY AWARDS… C’EST AUSSI SUR NETFLIX ET SUR SPOTIFY QU’ILS DÉFENDENT AUJOURD’HUI LEURS VALEURS. ZOOM SUR UNE IMPLACABLE BUSINESS STRATÉGIE.
COMME LE VEUT LA TRADITION AMÉRICAINE, depuis qu’il a quitté la Maison-Blanche, le 20 janvier 2017, Barack Obama est resté silencieux, s’abstenant de commenter publiquement la conduite des affaires par son successeur, Donald Trump. Mais il n’est pas resté inactif. Loin de là. Avec l’ex-First Lady, Michelle Obama, ils sont devenus de véritables tycoons des nouveaux médias. Barack et Michelle sont sur tous les fronts, toutes les plateformes. Entré à la MaisonBlanche avec une fortune déclarée d’1,3 million de dollars, le couple pourrait valoir la rondelette somme de 242,5 millions de dollars à la fin de sa carrière post-présidentielle, selon une étude de l’American University, à Washington. On est encore loin de la fortune de Jeff Bezos, leur voisin dans la capitale américaine (110 milliards de dollars), mais la somme permet de vivre confortablement. D’ailleurs, les Obama ont récemment acheté une maison à Martha’s Vineyard, l’île de l’establishment politico-intellectuel de Nouvelle-Angleterre, pour près de 12 millions de dollars. Ce n’est pas avec ses 200 000 dollars de retraite que le couple aurait pu faire cette acquisition. Même s’il s’occupe de sa fondation, qui devrait ouvrir à Chicago en 2021, Barack Obama, premier président noir, est aussi le premier à utiliser pleinement les nouveaux médias. Ses prédécesseurs sont nettement plus
conventionnels. Bill Clinton, à la tête de la fondation qui porte son nom, lève des fonds pour créer des opportunités économiques et combattre les maladies à travers la planète. George W. Bush, retraité de la Maison-Blanche, s’est mis à la peinture. Jimmy Carter, retiré de la politique depuis 1981, écrit des poèmes. Les Obama, eux, récoltent des Grammy Awards ! Le 26 janvier, Michelle a remporté un Grammy pour la version audio de ses Mémoires, Devenir (Éditions Fayard), rejoignant ainsi Barack, qui en avait décroché deux en 2006 et en 2008 (avec les versions audio des Rêves de
mon père, et de L’Audace d’espérer).
Des Mémoires qui ont rapporté 65 millions de dollars
Les contrats pour ces livres de Mémoires leur avaient rapporté, quant à eux, 65 millions de dollars : un record. Il faut ajouter à cette somme les mugs et les bougies à l’effigie de Michelle, vendus entre 20 et 35 dollars pièce. Le socle des aventures multimédias de Barack et Michelle Obama est leur société de production, Higher Ground, dont le nom leur a été inspiré par un titre de Stevie Wonder. L’accord de production avec Netflix qu’a signé le First Couple il y a quelques mois – estimé à 50 millions de dollars par le mensuel Forbes – leur permettra de produire une grande variété de documentaires, de films de fiction, de docu-séries et d’émissions. Selon Netflix, il s’agit de « créer des programmes qui incarnent et célèbrent les valeurs essentielles aux yeux des Obama : la capacité de l’esprit humain à traverser les épreuves et les succès, à faire face à l’adversité grâce à la résilience, à la détermination et à l’espoir, à provoquer le changement en faisant entendre des voix et des histoires inédites, à dépasser les divisions pour prôner le rassemblement ». Barack Obama a précisé : « Nous avons créé Higher Ground pour saisir la force du récit. En abordant des questions comme le racisme et les différences de classe, la démocratie et les droits civiques, entre autres, nous sommes sûrs que chacune de ces productions sera non seulement un divertissement, mais aussi une façon de nous informer, de nous connecter, de nous inspirer. »
Au programme, par exemple : American
Factory, documentaire qui a reçu le prix du Meilleur Réalisateur au festival du film de Sundance, déjà diffusé sur la chaîne de streaming aux 148 millions d’abonnés dans 190 pays ; Bloom, série dramatique sur le monde de la mode à New York après la Seconde Guerre mondiale, écrit par la scénariste de Thelma et Louise, Callie Khouri ; ou encore une série pour les tout-petits, Listen to Your Vegetables et
Eat Your Parents (« Écoutez vos légumes » et « Mangez vos parents »), qui « fera vivre aux enfants […] des aventures extraordinaires autour du monde afin de les familiariser avec le contenu de leur assiette ».
Le couple a également signé un accord avec la plateforme de partage de musique Spotify (60 millions d’abonnés), dans le même esprit que celui passé avec Netflix. Les Obama « développeront, produiront et prêteront leur voix à des podcasts qui les connecteront à une audience tout autour du monde, sur une grande diversité de sujets », a expliqué leur société de production, Higher Ground. Cela ne signifie pas que Michelle et Barack Obama figureront dans tous les podcasts, mais ils seront impliqués dans leur production.
Le dernier discours de Michelle Obama, la veille de quitter la Maison-Blanche, était consacré aux jeunes :« Sachez que je serai avec vous, que je vous soutiendrai, que je travaillerai pour vous soutenir, pour le reste de ma vie. » Elle ajoutait : « À tous les jeunes : avec une bonne éducation, tout est possible. C’est l’essence de l’American Dream. » C’est dans le prolongement de cet engagement que Michelle Obama vient de passer un accord avec la chaîne Instagram IGTV, pour A Year of
Firsts. Elle produira cette série en six épisodes, spécialement conçue pour les millennials, qui suivra la première année d’université de quatre étudiants issus des minorités, confrontés aux défis et au stress de la découverte de l’enseignement supérieur. La série Instagram est coproduite par Reach Higher, une organisation créée par Michelle Obama afin d’aider les jeunes à poursuivre leur éducation au-delà du lycée. « En partageant leurs histoires, les étudiants aident d’autres à comprendre que les difficultés d’une première année d’université sont les mêmes pour tous, a expliqué l’ex-First
Lady. Ils créent ainsi une communauté de soutien pour tous ceux qui rencontrent ces difficultés. »
Selon Robert J. Thompson, professeur à l’université de Syracuse et spécialiste de culture populaire, « le véritable modèle pour les Obama, ce sont des personnalités telles que Oprah Winfrey et Martha Stewart, qui ont transformé leur identité en marque, avec un M majuscule, qui ont utilisé leurs émissions télé pour produire des magazines et des projets d’édition ». « Les contrats signés par les Obama sont complètement cohérents avec leur marque. Et leur potentiel est infini. » The sky is the limit, comme on dirait outre-Atlantique.