Madame Figaro

Portrait : Robert Pattinson.

L’ACTEUR ANGLAIS AU CHARME TÉNÉBREUX INCARNERA LE JUSTICIER MASQUÉ DANS LE PROCHAIN BATMAN. ÉGÉRIE DE LA NOUVELLE EAU DE TOILETTE DIOR HOMME, IL POURSUIT SON IRRÉSISTIB­LE ASCENSION.

- PAR ISABELLE GIRARD / PHOTOS MIKAEL JANSSON

JE REVENDIQUE MES ORIGINES EUROPÉENNE­S, mon goût pour la littératur­e, la musique et le cinéma d’auteur. J’ai toujours souhaité une seule chose : bien faire mon métier et être un bon acteur », explique sobrement l’acteur anglais Robert Pattinson, comme s’il s’agissait de commencer l’entretien par une mise au point : connaître la célébrité n’était pas pour lui une priorité. Et si sa vie d’acteur avait débuté sur un malentendu ? Comment, en effet, expliquer que ce cinéphile, admirateur de la Nouvelle Vague, amateur du cinéma néoréalist­e italien, dont le film préféré est Vol au-dessus d’un nid de coucou, du Tchèque Miloš Forman, soit devenu à 22 ans une icône

planétaire, après avoir interprété le rôle d’Edward Cullen, le vampire de Twilight ? C’est compter sans le hasard qui parfois défait bien les choses. Explicatio­n. Robert Pattinson voulait être comédien, et sa famille le soutenait dans ce choix. Il a grandi à Londres dans un milieu aisé qui fréquente les cinémas, les théâtres, qui aime la littératur­e et la musique. À 15 ans, il s’inscrit dans une troupe de théâtre. À 17 ans, il est repéré par un agent et tourne deux téléfilms. À 19 ans, il joue dans le quatrième épisode des aventures de Harry Potter. Puis Twilight. « Je n’imaginais pas que cette saga deviendrai­t un tel succès… Personne, d’ailleurs, ne pensait que cela allait se transforme­r en tsunami », commente aujourd’hui celui qui a transpercé le coeur de millions d’adolescent(e)s. Kristen Stewart, sa partenaire dans la série et ex-girlfriend, se souvient de « cette époque d’adoration angoissant­e et morbide » et de « ses apparition­s publiques » qui se transforma­ient en émeutes. Un astronome russe a même donné le nom du jeune acteur à un astéroïde : (246789) Pattinson. C’est dire…

SON EXISTENCE DEVIENT UN IMMENSE BAIN DE FOULE, alors que son rêve aurait été de vivre dans une plus grande quiétude. « J’ai bien cru ne jamais m’en sortir. Un tel succès peut vous enfermer à jamais dans une prison dorée, et c’est difficile de se défaire d’une image, de devenir crédible après un tel rôle, qui vous cannibalis­e. J’ai dû réfléchir à mes choix futurs avec beaucoup de soin. Il m’a fallu tout considérer en fonction de mes goûts, de mes origines et de mes désirs. »

En 2012, année du cinquième épisode de Twilight, Robert Pattinson entame un virage à 180 degrés. Il n’a qu’un seul objectif : faire oublier Edward Cullen, ce personnage envahissan­t à la peau lisse et diaphane et aux yeux orange. Le jeune homme amorce sa mue, âpre comme l’ascension de l’Himalaya. Chaque départ du camp de base est un défi, une forme de délestage qui s’inscrit dans la constructi­on de son identité d’homme et d’artiste.

LA ROUTE VERS CES SOMMETS QU’IL CONVOITE IRA VITE. Dans son viseur ? Un cinéma d’auteur à la hauteur du cinéphile et du littéraire qu’il est. Son Graal ? Il le trouvera d’abord avec le réalisateu­r David Cronenberg, le cinéaste canadien oracle de la modernité et de ses dérèglemen­ts, immense orfèvre des ambiances fantastiqu­es. Ce sera Cosmopolis, une fable terrible sur le capitalism­e vu à travers les yeux d’un trader qui passe sa journée cloîtré dans sa limousine et qui traverse New York. Pattinson y incarne Eric Packer, un golden boy cynique et sexy, qui s’apprête à perdre son empire à cause de la crise. La star montre parfaiteme­nt comment la maladie de l’argent, du succès et de la possession, qui irradie le film et caractéris­e notre époque, déclenche des libidos morbides. Avec ce film, Robert Pattinson change de registre et surtout de méthode : Cronenberg a la réputation de ne jamais faire répéter les scènes et de livrer ses comédiens à eux-mêmes dans l’étourdisse­ment de l’improvisat­ion. Le film est présenté en compétitio­n officielle à Cannes. L’acteur, excellent, réalise son rêve et entre dans la cour des grands. Deux ans plus tard, il monte à nouveau les marches du Palais du Festival, toujours avec Cronenberg, pour Maps to

the Stars, une satire grinçante du milieu hollywoodi­en, où il partage l’affiche avec Julianne Moore et Mia Wasikowska. C’est lui la star. Tourner avec Cronenberg lui a donné la confiance en lui et l’audace dont il avait besoin pour s’affranchir définitive­ment de la case Twilight.

DE RÔLE EN RÔLE, L’ACTEUR MÛRIT, prend de l’ampleur. Ténébreux mais profond. Il a tourné The Lost City

of Z avec le réalisateu­r James Gray (auteur de Little Odessa et de Two Lovers), puis High Life avec la cinéaste française Claire Denis – un emblème à elle seule –, qu’il adore « pour sa passion pour le cinéma ». Fin 2019, on le remarque en apprenti gardien de phare dans The Lighthouse, avec Willem Dafoe. Un film d’horreur en noir et blanc, singulier et rugueux, réalisé par Robert Eggers, acclamé par la critique. Et en juillet prochain sortira Tenet, de Christophe­r Nolan, pape du « blockbuste­r avec une âme ». Une nouvelle preuve de l’intransige­ance de cet acteur à part.

ROBERT PATTINSON A AUJOURD’HUI 34 ANS. Le jeune impatient anglais s’est métamorpho­sé en adulte qui en impose. Une force tranquille que la campagne publicitai­re pour le nouveau parfum Dior Homme – dont il est l’égérie depuis 2013 – met en scène. Pour célébrer ce nouveau jus envoûtant, plus masculin et sophistiqu­é, qui lui colle si bien à la peau, l’acteur ressuscite devant la caméra du duo The Blaze - Guillaume et Jonathan Alric, stars de l’électro française et artistes du clip — la figure du héros urbain, avec son sex-appeal évident, son allure folle et son attirante étrangeté. Les réalisateu­rs ont su filmer, dans les rues de New York, un Pattinson ultrasensu­el, en tee-shirt comme en smoking. Aujourd’hui, à l’horizon de tous les possibles, l’acteur s’autorise à ne plus rien s’interdire. Après avoir rayonné dans le cinéma d’auteur, il renoue avec les superprodu­ctions : il joue le célèbre justicier de Gotham City dans The Batman, de Matt Reeves, film événement actuelleme­nt en tournage, qui sortira en 2021. Robert Pattinson continue d’avancer masqué. Ce n’est pas le moindre de ses charmes.

 ??  ?? Mise en beauté Dior.
Mise en beauté Dior.
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Mise en beauté Dior.

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