Madame Figaro

MARK RUFFALO Le jeu et le goût de la vérité

- PAR MARILYNE LETERTRE

Activiste pour l’environnem­ent et la justice sociale depuis vingt ans, l’acteur de Spotlight prolonge son engagement au cinéma. Dans Dark Waters, qu’il produit et dont il a confié la réalisatio­n à Todd Haynes (Carol, Loin du paradis), il incarne Robert Bilott, l’avocat qui en 2000 poursuivai­t le géant chimique DuPont pour avoir empoisonné les terres et l’eau des agriculteu­rs de Virginie du Sud. Ce thriller judiciaire brosse le portrait poignant d’un homme prêt à tout pour rendre justice.

Madame Figaro. – Comment avez-vous découvert cette histoire ? Mark Ruffalo.– Je suis tombé sur un article du New York Times qui s’intitulait « L’avocat devenu le pire cauchemar de DuPont ».

J’ai été choqué immédiatem­ent par l’ampleur de ce crime d’empoisonne­ment horrible qui, malgré son ampleur, était très peu connu. Cela en dit long sur la façon dont les puissants contrôlent tout, y compris la communicat­ion sur les problémati­ques environnem­entales et sanitaires. Rencontrer Robert Bilott, échanger avec lui, m’a ensuite éclairé sur l’aspect humain de cette histoire qui me semblait essentiel.

C’est la raison pour laquelle vous avez choisi Todd Haynes à la réalisatio­n ? Oui. Et je sais que le choix peut surprendre. Todd n’avait jamais fait de film de dénonciati­on et, sur le papier, ce sujet semble moins intime que ceux qu’il traite habituelle­ment. Mais je cherchais un réalisateu­r capable de comprendre les enjeux humains de cette affaire qui a coûté des vies et en a ruiné d’autres. Selon vous, les lanceurs d’alerte sont-ils les héros d’aujourd’hui ?

Sans aucun doute. « Rob » a eu un courage que peu d’hommes ont.

Il avait une place confortabl­e dans une grande firme qui défendait les industries chimiques et a nagé à contre-courant en attaquant le mastodonte DuPont, son armée d’avocats et de banquiers. Il a tout risqué, y a laissé de l’argent et sa santé. La première fois que je l’ai rencontré, je m’attendais à trouver en lui une forme de cynisme. Je me trompais. Il est totalement désintéres­sé, s’est battu pour la vérité et pour une cause qu’il croit juste. C’est un acte héroïque. Spécialeme­nt aux États-Unis ?

Tout à fait. Vous allumez la télé, et que vous dit notre pays ? Que si vous êtes un enfoiré misogyne, homophobe, raciste, qui ment, vole et triche, vous pouvez devenir président des États-Unis. Cela prouve à quel point notre morale est pervertie. Il est nécessaire d’avoir des contre-exemples qui, je l’espère, inspireron­t une nouvelle génération.

D’où vient votre activisme ?

Du théâtre, majoritair­ement. Mon prof me disait : « L’église devrait être payante et le théâtre gratuit. » C’est au théâtre et au cinéma que j’ai reçu mes plus grandes leçons. Les films et les grands textes ont le pouvoir de transcende­r les clivages politiques. Quand je produis, c’est ce que je cherche : des projets pouvant avoir un effet bénéfique sur la vie des gens.

Êtes-vous parfois tiraillé entre votre militantis­me et le milieu dans lequel vous évoluez ?

Quelquefoi­s. Mon milieu a mauvaise presse et nous en sommes en partie responsabl­es. Le mouvement #MeToo a débuté dans le cinéma : ce n’est pas pour rien. Mais quand je regarde l’industrie chimique, pharmaceut­ique ou bancaire, mon industrie est sans doute la moins destructri­ce. Cela étant, les acteurs sont privilégié­s, notamment financière­ment, et il est de leur responsabi­lité de compenser ces avantag7es avec des actes humbles et désintéres­sés. Il en va aussi de leur santé morale !

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 ??  ?? Bill Camp et Mark Ruffalo dans Dark Waters.
Bill Camp et Mark Ruffalo dans Dark Waters.

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