Décryptage. Patricia Barbizet : objectif mixité.
LE PATRONAT FRANÇAIS SOUTIENT LA FÉMINISATION DES INSTANCES DIRIGEANTES. POUR LA PRÉSIDENTE DU HAUT COMITÉ DE GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE (HCGE), IL FAUT AGIR VITE, MAIS SANS IMPOSER DE QUOTAS.
MADAME FIGARO. – Le patronat a récemment fixé aux entreprises des objectifs de mixité au sein de leurs comités exécutifs et de direction. Y avait-il urgence ?
PATRICIA BARBIZET. – La féminisation des instances dirigeantes est trop lente. J’appartiens à la première promotion mixte de l’ESCP (prestigieuse école de commerce, NDLR). J’ai commencé ma carrière dans une usine de camions Renault. Je n’imaginais pas que quarante ans plus tard il resterait tant à faire. Il faut forcer le destin, et vite. C’est pourquoi le code Afep-Medef * a été retravaillé. La nouvelle mouture, volontariste, exige que les directions générales adoptent des objectifs ambitieux en matière de mixité dans leurs instances dirigeantes, mettent en place un plan d’action et rendent compte des résultats au conseil d’administration. S’ils sont insuffisants, elles devront s’expliquer. Et en cas de manquements avérés, le Haut Comité de gouvernement d’entreprise pratiquera le name and shame.
La loi Coppé-Zimmermann de 2011 a imposé
40 % de femmes dans les conseils d’administration. Pourquoi avancer aujourd’hui sans quota pour les comités exécutifs ?
Pour les conseils d’administration, on fait appel à des personnalités extérieures à l’entreprise, nommées pour une durée limitée. Les quotas sont donc pertinents. Les comités de direction et exécutifs, eux, sont issus d’évolutions internes reflétant la culture de l’entreprise. Certaines filières sont plus masculines que d’autres.
On ne peut donc pas avoir les mêmes exigences pour toutes en termes de mixité. D’où la difficulté de légiférer. Standardiser les exigences peut avoir des conséquences négatives en favorisant, par exemple, le recrutement externe au détriment de la promotion interne. Je ne suis pas partisane des quotas universels. L’essentiel est d’atteindre rapidement la féminisation des instances dirigeantes par la réalisation d’engagements spécifiques. Les entreprises sont-elles prêtes à jouer le jeu ?
Elles n’ont pas le choix. Il faut qu’elles repensent leur fonctionnement. Elles ne peuvent plus privilégier un seul type de profil sur un poste, elles doivent valoriser de nouvelles compétences, d’autres carrières, à tous les échelons. La plupart des entreprises réfléchissent depuis longtemps à ces mutations en matière de gestion des talents. La démarche va de pair avec l’arrivée des millennials, qui ont grandi dans la mixité et qui bousculent les schémas. Cet effet générationnel est un facteur d’accélération en matière de féminisation des entreprises et, donc, des instances dirigeantes. Mais il y a des obstacles à ces évolutions : il y a notamment un déficit de femmes dans certaines formations, comme les écoles d’ingénieurs. La démarche volontariste que nous prônons doit s’accompagner d’actions, notamment dans l’éducation.
* Le code Afep-Medef est un ensemble de recommandations élaborées par l’Association française des entreprises privées (Afep) et le Medef. Le HCGE veille à son application comme à son évolution.