FRANCK MAUBERT Au bonheur des côtes
TOUT UN CHACUN a déjà fait l’expérience de débarquer en basse saison dans une station balnéaire désertée, et d’être saisi par l’étrangeté mélancolique qui y règne, mais aussi par le sentiment que quelque chose de secret soudainement reprend ses droits. L’auteur, dont un ami proche est très malade, et qui peut-être tente ainsi de fuir cette douleur, se lance dans une exploration des côtes atlantiques françaises quand les touristes, frileusement, les ont abandonnées. On voyage des brumes lumineuses du Nord jusqu’à la côte basque, en passant par la Normandie, en faisant un saut sur l’île d’Yeu, particulièrement inspirante
– sa côte sauvage, ses corbeaux blancs, ses délicieux fruits de mer appelés patagos... Puis on se perd dans les Landes et les pins de la Gironde, en remontant vers la Bretagne
– ce « bout de la terre » –, pour achever le périple par le Cotentin et les îles Chausey. En quelques phrases, l’auteur débusque la poésie d’un lieu, raconte sa géographie, joint une anecdote, une citation, le récit d’une rencontre
– tant de doux excentriques sur son chemin –, une précision érudite qui remonte le temps, dévoilant la puissance temporelle des monuments, ports, ponts, châteaux et villas dépositaires de tant d’histoires humaines et de traces d’artistes, nombreux, à avoir fréquenté ces bords de mer.
Franck Maubert n’accumule pas du savoir – il s’en fiche bien –, il cherche plutôt le déclic qui permet à un lieu de s’incarner, de devenir émouvant. D’une plage à une pinède, d’un camping à un restaurant, d’un hôtel chic à un casino, le nez au vent, c’est à une découverte intime de cette France en communion profonde avec l’océan qu’il nous convie. À chaque étape, l’écrivain tente, avec les mots, de saisir la mer, toujours identique et pourtant méconnaissable en chaque rivage. Entre terre et mer
– les rivières jouent aussi un rôle important… –, des phrases magnifiques – « le jaune agressif des genêts défit le bleu du ciel » – et des pages qui nous invitent à chercher à notre tour l’émotion atlantique, toute proche. I. P.