LE CLUB DES ZÉRO ACTION
« Depuis que je suis arrivé, je n’ai rien fait, je fais même de moins en moins, je veux en arriver au rien absolu. C’est très difficile, il faut une application et un soin énormes. » Transformés en « mèmes » sur le Web, les dialogues du film La Collectionneuse, d’Éric Rohmer, dans lequel l’un des protagonistes tente de relever le défi de l’inactivité, trouvent un écho favorable chez de plus en plus d’internautes, qui font l’éloge du désoeuvrement. Une incitation au « zéro action », jusqu’à ne plus penser, « la chose la plus pénible et la plus accaparante qui soit ».
« Peut-on simplement ne rien faire ? », se rebellent ces twittos qui refusent l’appel à l’hypercréativité lancé tous azimuts dès le début du confinement. « On a assisté à deux vagues de prescriptions paradoxales : la première nous incitant à être productif à tout prix ; la seconde, plus déculpabilisante, nous autorisant à rester inactifs, souligne Géraldine Mosna-Savoye, productrice du Journal
de la philo sur France Culture. Depuis que nous sommes confinés, on constate la rapidité avec laquelle les normes sont érigées – injonctions indiquant ce qu’il est normal ou anormal de faire, par rapport à avant, aux autres, à soi-même – et en même temps prescrites. » Inenvisageable au début du confinement, s’accorder des moments d’inaction est depuis devenu légitime. « Mais, en réalité, ne rien faire, c’est aussi faire quelque chose… Le confinement devient alors une sorte d’expérience existentielle, une manière de “sentir le temps passer”. Dans tous les cas, on a l’impression qu’il faut absolument transformer cette situation exceptionnelle, qu’il faut essayer, coûte que coûte, de la rendre meilleure que ce qu’elle est vraiment », conclut la philosophe. Comme un refus de subir les événements.