Madame Figaro

Monica Bellucci.

- PAR RICHARD GIANORIO / PHOTO PATRICE VAN MALDER (H & K) / RÉALISATIO­N FAROUK CHEKOUFI

LA DIVINE ITALIENNE S’EST RÉFUGIÉE SUR LA CÔTE BASQUE AVEC SES DEUX AMOURS, SES FILLES, DEVA ET LÉONIE. AU PROGRAMME, UN STRICT REPLI FAMILIAL ET UN RETOUR AUX VALEURS ESSENTIELL­ES. À L’EXTÉRIEUR L’ATTENDENT MARIA CALLAS AU THÉÂTRE ET DES TOURNAGES IMMINENTS.

CC’EST SUR LA CÔTE BASQUE QUE MONICA BELLUCCI A CHOISI DE SE CONFINER : pas pour la beauté des lieux, mais surtout pour que ses deux filles, Deva, 15 ans, et Léonie, 9 ans, puissent voir, leur père, son ex-mari, Vincent Cassel, qui y vit une partie de l’année. À l’ordre du jour, un strict confinemen­t familial – ce qui n’est pas pour déplaire à cette casanière revendiqué­e, mais forcément anxieuse ces temps-ci. Quand nous sortirons de ce moment hors normes, Monica rejoindra la tournée des Lettres & Mémoires de Maria Callas, qu’elle a joué avec succès au Théâtre Marigny, à Paris, et deux tournages : un film à sketchs (« sur les fantasmes ») des frères Foenkinos, un autre avec Benoît Poelvoorde. Interview (téléphoniq­ue) avec une très belle âme.

MADAME FIGARO. – Quel est l’état d’esprit du moment ? MONICA BELLUCCI. – Une grande tristesse. Comment ressentir autre chose face à une situation inédite, complexe, terrible ? Je pense évidemment à mon pays, l’Italie, le plus touché en Europe. Ma famille va bien, mais ils sont tous là-bas, en Ombrie et dans la région de Côme, sans parler de tous mes amis à Rome. Forcément, nous vivons tous dans la peur, car l’heure est grave et en même temps, j’ai une entière confiance en la médecine, je suis convaincue qu’on va trouver un médicament puis un vaccin. En attendant, nous sommes dans un état de stand-by. Je suis en « mode avion ». Comme l’a dit Eduardo De Filippo, un auteur et acteur napolitain, « la nuit doit passer ». Cette nuit-là sera probableme­nt longue et éprouvante, mais elle débouchera nécessaire­ment sur quelque chose de neuf.

Comment se passent vos journées sur la côte basque, où vous êtes confinée ?

Elles se passent au rythme de mes filles. Elles reçoivent des cours scolaires en vidéo et je surveille ça d’un oeil vigilant.

Il est indispensa­ble qu’elles aient un cadre. Le reste du temps – et il y en a peu –, je lis des scénarios et j’apprends en italien le texte des Lettres de la Callas puisqu’il est prévu que je joue plus tard cette pièce en Italie. Pour le r este, nous sommes très respectueu­ses des consignes : nous ne sortons pas.

On sait par ailleurs que vous êtes de nature casanière…

Paradoxale­ment, j’ai toujours mené une vie casanière et ça n’a jamais été un problème. Cela me ramène à mon enfance en province, en Italie, avec mes parents, mes tantes, mes cousines et ma grand-mère. Cette vie-là, confinée, je la connais déjà, même si on ne peut évidemment pas la comparer à la situation dramatique actuelle. La famille, l’éducation, la maison, ce sont des territoire­s très familiers pour moi. Évidemment, c’est le contraire de ma vie profession­nelle, où je n’ai vécu que dans des hôtels et des avions.

Que vous apprend le confinemen­t ?

On cherche évidemment des éléments positifs dans tout ça. Et puis on prend connaissan­ce du bilan quotidien des morts, et on est rattrapé par l’angoisse. Mais si, vraiment, on veut donner du sens à cet épisode, peut-être sommes-nous en train de redécouvri­r des choses simples, parfois négligées, qui sont pourtant si essentiell­es dans nos vies. Et les fondamenta­ux : la famille, l’amitié, l’amour.

Ce confinemen­t vous rapproche encore de vos filles, ce qui ne doit pas déplaire à la mamma italienne vous êtes…

Il n’y a pas de règle. Chacun fait comme il veut et comme il peut, ce que je dis ne vaut que pour moi. Il y a des femmes qui s’accompliss­ent formidable­ment bien sans enfants, mais moi, ce qui me donne de la valeur, ce sont mes filles. Et je suis là pour les aimer : cet amour-là, j’en suis persuadée, il donne une solidité pour la vie. C’est aussi le cadeau que j’ai reçu de mes parents. Ils étaient très protecteur­s, mais je dois dire qu’ils m’ont aussi laissé une grande autonomie. J’ai découvert très jeune la liberté, et cela m’a plu.

J’ai commencé le mannequina­t à 16 ans ; j’allais à Milan ou à Paris, puis je retournais sagement au lycée de Città di Castello, près de Pérouse. Ce mouvement, ces allers et retours entre chez moi et l’extérieur m’ont préparée précocemen­t à ma vie d’adulte, qui a toujours été la même en fait, partagée entre l’aventure, le cinéma, mais aussi un repli nécessaire vers la sécurité et la famille. Je me suis construit un monde à moi qui est très ancré dans la réalité.

À quoi ressemble cette vie plus cachée ?

Elle n’appelle pas de commentair­es particulie­rs : c’est une vie quotidienn­e relativeme­nt simple, faite de rituels et de gestes répétés.

Vous êtes-vous construite avec vos propres règles ?

Ceux qui me connaissen­t savent que c’est le cas. Je suis très en phase avec qui je suis. Je vous l’ai dit : j’ai organisé une vie familiale solide, une maison chaleureus­e pour mes filles. Ce qui me plaît avant tout, c’est de les voir grandir et de les accompagne­r jusqu’à leur envol. Mes filles sont les réponses à toutes mes questions. C’est quand elles sont nées, et seulement quand elles sont nées, que j’ai compris ma raison d’être sur cette Terre… À chacun son chemin, son expérience et sa révélation, moi, c’est la maternité, c’est comme ça. Et je vous assure que la chair et la spirituali­té se rejoignent.

Quid de la folie artistique ?

Ça, je la réserve exclusivem­ent à ma vie extrafamil­iale. La folie, celle qui consiste à sortir du cadre, c’est la folie de la créativité et elle est impérative pour une actrice. Quand on joue un personnage – cela tombe sous le sens –, il est nécessaire d’aller vers autre chose, appelons ça abandon, fantaisie ou folie. Quelle est votre plus grande folie ?

Je ne suis jamais entrée dans un cadre et je n’ai jamais vraiment répondu aux injonction­s sociales. Par exemple, j’ai eu ma première fille à 40 ans. La seconde à 45. Ce n’est pas tout à fait dans les normes. Et puis, je vais là où mon travail m’appelle : j’ai travaillé un peu partout dans le monde, j’ai fait des films, de la télévision, du théâtre aujourd’hui. Je suis une sorte de gitane. Je n’appartiens à aucun clan, aucune famille. Et il y a aussi le fait que je suis une Italienne qui vit en France : plus tout à fait italienne, pas complèteme­nt française. Cela présente ses avantages et ses inconvénie­nts…

Où en êtes-vous de votre carrière d’actrice en ce moment ?

Je ne pensais pas que je continuera­is aussi loin et que je travailler­ais autant avec des jeunes réalisateu­rs. Rien n’est dû, j’ai beaucoup de chance et l’excitation est toujours là, même si – et c’est heureux – j’ai appris une certaine forme de détachemen­t. Les priorités ne sont pas les mêmes quand on a 20 ans et quand on a mon âge. Je suis surprise qu’on pense à moi pour des personnage­s aussi différents que Maria Callas au théâtre ou Anita Ekberg, que j’incarne dans

un film italien.

Y a-t-il des similitude­s entre Maria Callas et Monica Bellucci ?

Il y a des résonances. D’abord, c’est une Méditerran­éenne, comme moi. Il y a le cosmopolit­isme aussi. Et cette fragilité qui s’accompagne d’une grande force, comme c’est souvent le cas chez les gens du spectacle. Mais ce qui me touche le plus chez Callas, c’est cette sensibilit­é sans limite, ce don de donner une profondeur à tout. C’est une femme qui s’est battue avec son coeur et pour son coeur. Finalement, elle avait un coeur simple et c’est peut-être ça qui l’a tuée…

Vous avez joué Anita Ekberg, l’actrice légendaire de La Dolce Vita. Avez-vous croisé Fellini au début de votre carrière ?

Je n’ai pas eu cet honneur, pas plus que je n’ai rencontré Mastroiann­i. Les deux comptent parmi mes admiration­s absolues. En revanche, j’ai croisé les grandes actrices italiennes de l’âge d’or, Gina (Lollobrigi­da), Claudia (Cardinale), Virna (Lisi) et Sophia (Loren), bien sûr. Sophia, je l’ai vue à Cannes, l’année où Les Merveilles, dans lequel je jouais, a reçu le Grand Prix du Festival. Elle était sublime, une silhouette incroyable, et puis cette discipline de fer qui sautait aux yeux.

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SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
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MAISON ALAÏA, BODY DOLCE & GABBANA, PANTALON JACOB LEE LONDON.
SENSUELLE VESTE EN PYTHON MAISON ALAÏA, BODY DOLCE & GABBANA, PANTALON JACOB LEE LONDON.
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SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.
Coiffure John Nollet. Maquillage Letizia Carnevale pour Dolce & Gabbana Make-Up.
Photos réalisées avec l’aimable collaborat­ion de l’Hôtel Plaza Athénée, à Paris.
TROUBLANTE COSTUME SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Coiffure John Nollet. Maquillage Letizia Carnevale pour Dolce & Gabbana Make-Up. Photos réalisées avec l’aimable collaborat­ion de l’Hôtel Plaza Athénée, à Paris.

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