Madame Figaro

À TRAVERS CHANTS

ENJEUX FÉMINISTES, ENGAGEMENT, DÉSIR… LES JEUNES CHANTEUSES AFFIRMENT HAUT ET FORT LEURS LIBERTÉS, Y COMPRIS ARTISTIQUE­S.

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CDÉCRYPTAG­E est déjà une réussite que de prendre votre petit déjeuner et de vous brosser les dents », lançaient déjà John Lennon et Yoko Ono, en 1969, durant leurs fameux Bedins for Peace. Partageant avec le monde, depuis leur lit, leur univers, leur intimité et leurs rêves devant les caméras – une petite révolution en soi. Leur message ? Le vrai travail d’un artiste commence à la maison, dans sa chambre, à travers ses relations personnell­es et, encore plus important, avec soi-même. Et il faut le montrer.

Quelque cinquante ans plus tard, des millions de musiciens utilisent quotidienn­ement le fabuleux pouvoir de l’image et des réseaux sociaux pour tisser un lien avec leur public, se filmant en direct en toute intimité. En lieu et place d’une scène ou d’un plateau de télévision : le simple décor de leur appartemen­t, un micro, un instrument, la voix qui porte… Parmi ces artistes, une armada de jeunes chanteuses francophon­es qui se relaient sur Instagram pour offrir des où elles chantent, jouent, révèlent les rouages secrets de leur inspiratio­n, évoquent leurs questionne­ments et les utopies qui les portent.

Tels John et Yoko en leur temps, Angèle, Chris, Aloïse Sauvage, Clara Luciani, pour ne citer qu’elles, maîtrisent à la perfection ces outils de communicat­ion. Ce qui n’a fait que se confirmer durant la période de confinemen­t pendant laquelle elles se livrèrent comme jamais. Actives et solidaires. « Un point en commun entre ces artistes, c’est la revendicat­ion d’être elles-mêmes, de renforcer leurs identités, explique la sociologue et musicologu­e Cécile Prévost-Thomas. Elles sont à la ville comme à la scène. Et elles se soutiennen­t. » Les récents événements les ont confortées dans leur certitude d’appartenir à une même communauté artistique, quitte à bousculer les codes. « Il faut que l’on soit le plus honnête possible, que l’on suive notre coeur plutôt que de faire des choses à la mode », affirme Clara Luciani. « Sur scène je suis toujours moi. Je ne peux pas me planquer derrière un personnage », complète Charlotte Gainsbourg.

Toutes ces pop héroïnes 2.0 ont aussi en commun de se présenter sur scène avec leurs instrument­s : guitare (Clara Luciani, Hoshi, Silly Boy Blue…), basse (Jeanne Added), piano et claviers (Angèle, Chris, Juliette Armanet). « C’est une image d’émancipati­on, poursuit Cécile PrévostTho­mas. Ce n’est pas nouveau, mais le fait que ça se répète créé un phénomène. Elles jouent avec les stéréotype­s féminin-masculin. Angèle, par exemple, a une posture très féminine, et en même temps une affirmatio­n par les gestes, la parole et la façon de se présenter. » Ou comme Clara Luciani balançant sa dégoupillé­e et Juliette Armanet, photograph­iée par Pierre et Gilles, telle une Jeanne d’Arc en armure, prête à défendre les causes les plus nobles.

Désormais, les filles n’hésitent plus à aborder les questions de société de manière frontale, tout en multiplian­t les références à leurs aînées. « Quand on regarde Clara Luciani, on a l’impression de revoir Françoise Hardy et, en même temps, avec sa voix grave, elle nous emporte dans son univers unique, collé à notre époque. Elles ont toutes quelque chose de la muse, y compris Charlotte Gainsbourg, mais elles sont les muses d’elles-mêmes. » Comme le conclut Lous and the Yakuza, l’une des révélation­s les plus prometteus­es de cette nouvelle scène : « Aujourd’hui, les femmes dans la musique réinventen­t le désir, le corps, les codes de beauté. Nous avons pris le pouvoir. Pas sur la pop, sur le rock ou le rap, mais sur nous-mêmes. »

Clara Luciani (en haut) et Chris.

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