Madame Figaro

Musique, télé, danse, photo, série, cinéma…

- PAR PAOLA GENONE

Alicia Keys l’adore et Madonna a posté une vidéo sur Instagram où ses filles dansent sur sa chanson Tout est gore. À 24 ans, de single en single, Lous and The Yakuza, charismati­que chanteuse belge d’origine congolaise, s’impose avec ses morceaux dansants et son univers esthétique. L’auteure de Dilemme – qui cumule 20 millions de vues en streaming – se confie en exclusivit­é sur les arcanes de son premier album, Gore.

Madame Figaro. – La maturité de vos chansons est impression­nante…, d’où vient-elle ?

Lous and The Yakuza. – Je suis jeune, mais j’ai déjà vécu plusieurs vies. Je suis née au Congo et n’ai cessé de voyager enfant entre l’Afrique et la Belgique. J’avais 9 ans quand mes parents, médecins dans l’humanitair­e, se sont installés au Rwanda après le génocide. J’ai vu la misère, connu la peur, mais aussi la solidarité. À 15 ans, je suis retournée seule en Belgique pour étudier et suivre ma vocation, la musique. Dans Gore, je raconte mon parcours et j’envoie un message de paix. Comment avez-vous commencé à écrire ?

Mon père, passionné de philosophi­e et de latin, m’apprenait les déclinaiso­ns et me faisait lire Platon avec le même sourire qu’il arborait quand on écoutait les Beatles. J’écrivais pour lui une nouvelle par semaine, c’était notre jeu. J’ai commencé à écrire des chansons à 6 ans. Je joue un peu de guitare et de piano, mais je compose avec ma voix.

Comment définiriez-vous votre musique ?

C’est un mix d’ingrédient­s comme le fait le rappeur Travis Scott ou Rosalía, qui mêle pop alternativ­e et flamenco. Je suis passionnée par la musique japonaise aussi, par cette profonde tristesse teintée d’espoir, comme celle de Merry Christmas

Mr Lawrence, de Ryuichi Sakamoto. Certaines chansons changent votre personnali­té. Lesquelles ?

Treat Her Better, de Mac DeMarco, ou Wuthering Heights, de Kate Bush, qui m’a poussée, à 14 ans, à lire la nouvelle d’Emily Brontë dont elle est inspirée. Ou Babooshka, avec son storytelli­ng extraordin­aire. Tant d’artistes ont bercé mon enfance, m’ont sauvée et inspirée. Bob Marley, Alicia Keys, John Lennon, Prince… Je suis aussi investie dans de multiples causes, dont un projet humanitair­e avec les nouveau-nés au Rwanda, que je mène avec ma mère, pédiatre. D’où vient votre nom de scène ? Lous, c’est Soul en verlan. À 18 ans, je cherchais un nom de groupe pour me sentir moins vulnérable. Après en avoir parlé avec mon meilleur ami, le rappeur Damso, j’ai choisi Yakuza qui, en japonais, signifie « perdant ». Un yakuza est aussi un personnage mythologiq­ue et réel qui suit les règles de la loyauté, de l’amitié, mes valeurs. Où ont été tournés vos clips ?

Tout est gore, à New York, dans un théâtre abandonné de Harlem… Solo, à Paris et Dilemme, dans un ex-atelier d’orfèvrerie londonien. Je suis très sensible à l’art. J’aime les oeuvres représenta­nt les paradoxes : la sensation de bien-être infini et la douleur de L’Extase de Sainte-Thérèse, du Bernin, la beauté et la solitude du bleu de Picasso dans La Baie de Cannes…

Vous dessinez des symboles sur votre visage et votre corps de mannequin. Que signifient-ils ?

J’ai été mannequin pour payer mes enregistre­ments en studio. Je dessine à l’huile sur mon corps les pensées qui me viennent chaque matin en faisant de la méditation. Je les rends graphiques, comme mon logo : une ligne droite, un demi-cercle et un point qui signifient le coeur, le corps et l’esprit. Je les fais pour ne pas oublier : j’ai envie jusqu’à la fin de ma vie de me souvenir d’un coucher de soleil au Rwanda, de la savane au Congo, des rides de mon père.

Gore, Sony.

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 ??  ?? La pochette de Dilemme, un titre issu de l’album de Lous and The Yakuza, Gore.
La pochette de Dilemme, un titre issu de l’album de Lous and The Yakuza, Gore.

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