Anaïde Rozam.
CETTE DRÔLE DE FILLE S’EST FAIT CONNAÎTRE SUR INSTAGRAM EN CROQUANT SES CONTEMPORAINS. SANS FORCER LE TRAIT, ELLE PIQUE AVEC TENDRESSE LÀ OÙ ÇA FAIT MAL. UNE ACTRICE EST NÉE.
Avec un sens de l’humour décapant à la Groucho Marx, elle invente et incarne une galerie de personnages dépeints dans leur réalité humaine, touchante, ridicule, paradoxale, bref, impitoyable. À travers une collection de courtes vidéos postées sur Instagram, Anaïde Rozam, 23 ans, a fait une entrée fracassante au sein de la nouvelle génération d’humoristes féminines. « Elle photographie la société française. C’est une humoriste culottée, tendre et acide », nous confie Leïla Bekhti. Anaïde se filme avec son smartphone, et ses sketchs désopilants ont déjà conquis près d’un demi-million d’abonnés. « J’adore son ironie cruelle, son intelligence et sa sensibilité », poursuit Adèle Exarchopoulos, l’une de ses admiratrices. Elle n’est pas la seule… Anaïde Rozam a fédéré le gotha du cinéma et de la musique française : Guillaume Canet, Marion Cotillard, Géraldine Nakache, Jean Dujardin, Pierre Niney, Angèle, Pomme…
La jeune femme ne s’attendait pas à un tel engouement quand elle poste sa première vidéo en janvier 2019. Très vite, son univers s’esquisse : des personnages pour lesquels on se prend d’affection : « Tous font partie de ma vie », explique-t-elle. Corinne, la mère aimante et sa fille « perchée », Capucine, qui rêve d’être actrice… La psy adepte de l’hypnose, la banlieusarde avec ses tics de langage ou l’intervieweuse surréaliste de Radio Vacuité… Chacun si bien croqué que l’on se demande lequel est le plus proche d’elle : « Tous. Je viens d’une double culture, dit-elle. Ma mère, originaire du Maroc, est arrivée en France avec ses parents, des gens courageux, passés d’un bidonville au XIe arrondissement, où je suis née. Mon oncle, qui a grandi dans une cité, imite à la perfection le langage de banlieue. Mon père, parisien jusqu’à la moelle, est psychiatre. » À la fac, pendant ses cours de psychologie sociale, Anaïde a appris à « charrier avec amour ». À 5 ans, elle écrivait déjà dans son journal intime : « Je voudrais être actrice. » Ses parents l’encouragent. « Mais lorsque j’ai voulu continuer après le bac, ils m’ont dit : “Ah non ! Tu vas faire de vraies études !” » Finalement, Anaïde conjuguera les deux et affinera son humour de l’absurde, à la Ionesco, au sein de l’école de théâtre Les Enfants terribles. Aujourd’hui, cette passionnée de cinéma n’aspire nullement à faire du stand-up, mais bien à devenir comédienne. On la verra dans Family Business, sur Netflix, puis dans une série qu’elle écrit avec Mouloud Achour pour Canal+. « Je suis aussi en train d’enregistrer une série audio pour les enfants avec Éric Judor. » Entre-temps, Anaïde Rozam passe des castings. « Je l’ai présentée à mon agent. Il faut qu’elle soit au cinéma, lance Leïla Bekhti. C’est une grande actrice ! »
Ne fuyez pas, je vais ici parler de la mort. Oui, il fait beau, nous sommes en juin, je devrais plutôt évoquer des livres à lire sur la plage, eh bien non, désolée, je persiste, car lire sur nos morts, c’est lire sur nos vivants. Dans ses Essais
sur l’histoire de la mort en Occident, un livre bizarrement joyeux, l’historien Philippe Ariès démontre que parce que la mort n’est plus racontée (on veut l’oublier, on ne s’habille plus en noir et on cache ses larmes), elle est devenue sauvage. L’origine de nos dépressions contemporaines serait ici : la mort autrefois apprivoisée est devenue sauvage. C’est exactement ce que fait Anne Pauly dans Avant que j’oublie, en décrivant de manière précise la mort de son père : en se remémorant tout ce qu’elle sait de lui, elle apprivoise sa disparition. Il était aimant, violent, alcoolique, tendre, catholique, collectionneur de bouddhas, et parfois insupportable ; elle embrasse son front, il est mort, la peau est froide. Elle nous rappelle, ce que nous refusons de voir, que la vie et la mort s’entremêlent constamment. Elle lui rend visite, rien ne lui échappe, le lino, les casseroles, les titres des livres de sa bibliothèque, ces livres que l’on achète pour Noël sans réfléchir comme ce Menus japonais pour deux.
Elle le traque car on ne sait jamais, si elle le retrouvait amateur de sushis, si le mort n’était pas mort, s’il était dans un banc d’essai de piles et batteries, retrouvé dans une boîte de biscuits, qu’il a établi et souligné au Stabilo ? Elle reçoit la lettre d’une amie d’enfance de son père, il n’en a pas fini d’être là. Elle lui raconte l’adolescent timide qui grattait sur sa guitare, aimait la nature et le champ de son silence. Anne Pauly, minutieuse et obsessionnelle, guette les signes que lui adresse son père.
Elle écoute sur RTL une chanson de Céline Dion, trouve le refrain niais, elle se surprend à pleurer sans retenue une dernière fois.
Anne Pauly n’oublie pas son père, alors que tout est fait – il n’était pas un grand homme, un cadre moyen vivant dans un pavillon – pour qu’il s’efface.