UN APPRENTISSAGE RÉCIPROQUE
Les jeunes montrent l’exemple, ils alertent aussi. Marc et Brigitte ont vu leur fille, Lucie, s’intéresser de plus en plus à l’environnement, jusqu’à y consacrer ses études. « Elle nous interpelle sur certains sujets, raconte Marc. Quand elle a vu qu’on utilisait du désherbant dans le jardin, elle nous a dit, choquée, qu’on polluait les sols. Et je me souviens avoir pensé : elle a raison, je vais arrêter. » Pour lui, l’amour viscéral entre parents et enfants explique en partie sa sensibilité à l’écologie. « Quand c’est l’un de vos gamins qui vous amène sur ces terrains, c’est beaucoup plus fort que si c’était quelqu’un d’autre. » Difficile d’évaluer le phénomène. Des jeunes battent massivement le pavé pour demander une transition écologique. Le végétarisme, le véganisme et le zéro déchet montent en puissance dans la société. « Mais en matière d’engagement, il ne faut pas négliger l’influence des parents sur leurs enfants », souligne Yann Le Lann, sociologue et maître de conférences à l’université de Lille. Le chercheur coordonne le collectif Quantité Critique, qui a étudié le profil de 3 000 participants aux Marches pour le climat, celles constituées uniquement de jeunes et celles dites « intergénérationnelles ». Sa conclusion : les jeunes manifestants sont en grande partie des enfants du salariat très qualifié et/ou des enfants de la gauche, baignés dans une culture de la manifestation. Il a aussi constaté que ce sont les adultes, déjà sur le marché du travail, qui ont les habitudes les plus vertes. « C’est parce qu’ils ont la maîtrise de leur budget », analyse-t-il. Pour les jeunes qui vivent chez leurs parents, la liberté est moindre : quand on ne fait pas les courses ou qu’on ne cuisine pas, il est toujours plus difficile de changer les habitudes.
Plus qu’une relation verticale, c’est peut-être un apprentissage réciproque qui se dessine. Comme dans la famille d’Hanna : son père, Éric, qui manifestait déjà contre le nucléaire à 18 ans, a toujours prêté attention aux écogestes, et les a enseignés à sa fille. Mais réduire sa consommation de chair animale ? « L’idée ne m’avait jamais traversé l’esprit », lâche-t-il. Il a fallu qu’Hanna devienne végétarienne pour que la viande se fasse plus rare aux repas. Cet enseignement mutuel, Marc le décrit également. Lui a élevé ses enfants à la campagne, en les incitant à éteindre la lumière et à ne pas gaspiller. Finalement, c’est sa fille qui l’a éveillé à la permaculture, l’a poussé à se déplacer à vélo et à réduire sa consommation de viande. Il s’en amuse aujourd’hui : « Ça nous est revenu comme un boomerang ! »