ET ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Toujours à l’IFM, un « groupe de pensée verte » réunit depuis le début de l’année vingt à trente étudiants qui, tous les dix jours, partagent leurs visions pour une mode plus responsable. Et ils ne manquent pas d’idées. Jill Fleury, par exemple, mise sur l’upcycling, ou surcyclage en français. Le principe : récupérer des vieux tissus, des vêtements dénichés dans des vide-greniers ou encore du linge de maison pour leur donner une seconde vie en les retravaillant et les recomposant. Adèle Guillée prône, elle, une démarche similaire. « J’aime particulièrement travailler la maille, c’est ce qui se recycle le plus facilement. Il suffit de détricoter pour récupérer le fil. » De façon naturelle, instinctive même, ces élèves marchent dans les pas des pionniers qui leur ont ouvert la voie. Parmi leurs modèles, Stella McCartney ou encore Marine Serre. « Il faut cesser de surproduire, martèle cette dernière, qui conçoit ses collections à partir de jeans, de foulards, d’accessoires retravaillés en pièces uniques. Pourquoi fabriquer de nouveaux tissus, inventer des imprimés qu’il faudra changer l’année d’après, alors qu’il existe tant de tissus à réutiliser ? » Les habitudes de consommation de ces étudiants restent cohérentes avec leurs engagements. « J’ai banni la fast fashion, et j’achète principalement des vêtements de seconde main », indique Juliette Bonnet. Même constat du côté de Charlotte Gaussuron, étudiante de 24 ans à l’IFM : « Produire des vêtements à base de coton biologique ou de plastique recyclé, c’est bien. Mais si on renouvelle les collections toutes les deux semaines, ça ne rime à rien. » Pour autant, est-il possible de ralentir le rythme d’une industrie soumise à des impératifs économiques majeurs ? « Absolument », assurent ces étudiants. Tous aspirent à
une production plus responsable, qui inciterait à consommer avec parcimonie. L’écoresponsabilité ? Elle rime désormais avec désirabilité. « Actuellement, on n’a même plus le temps d’avoir envie. À peine une collection est-elle en vente qu’on est inondés par de nouvelles propositions. Cette saturation génère un rejet de la mode », déplore Adèle Guillée. Créer moins mais mieux, tel est leur credo, comme l’explique Marguerite Fritsch, 23 ans, étudiante à l’IFM : « Le futur repose sur une économie circulaire, où beaucoup moins de vêtements seront jetés : ils seront revendus, réutilisés ou retransformés. Un cercle vertueux. » au contact de créateurs qui utilisent principalement des matières recyclées : « Avec cette crise, on passe d’un point de vue macro à un point de vue micro. On se recentre sur des choses certes plus petites mais qui ont plus de sens. » Pour d’autres étudiants, le défi est ailleurs : impulser le changement au sein même des entreprises. « Dans un secteur aussi concurrentiel, je ne peux pas refuser de travailler dans une entreprise parce qu’elle est polluante, mais cela ne signifie pas renoncer à mes valeurs », avance Adèle Guillée. De son côté, Charlotte Gaussuron se verrait bien travailler au ministère de la Transition écologique en tant que chargée de mission dans le secteur de l’habillement. Ce poste n’existe pas. « Enfin, pas encore… », sourit la jeune femme, prête à réinventer les métiers de la mode, voire à les inventer. En attendant, elle refuse de se fermer des portes. « Si, au sein des maisons, il n’y a personne pour porter des valeurs écologiques, alors ça n’avancera pas. Ma génération est prête à relever ce défi. » « À partir du moment où on est engagé, on le porte en soi, renchérit Jill Fleury. Même si on intègre une entreprise qui l’est moins, on pourra changer les pratiques à mesure qu’on montera en grade. » À bon entendeur…
Emile Hirsch.
LES COMBATTANTS Adèle Haenel et Kevin Azaïs.
CAPTAIN FANTASTIC Viggo Mortensen, George MacKay, Samantha Isler, Annalise Basso et Nicholas Hamilton.