Madame Figaro

D’URGENCE ÉTAT DU DÉSIR

DURANT CES SEMAINES, CONTRAINTS À VIVRE L’UN SUR L’AUTRE, LES COUPLES ONT, SEMBLE-T-IL, DÉPLOYÉ LE PLAN HORS SEXE. DIFFICILE D’ÉROTISER LE QUOTIDIEN ET DE FANTASMER EN VASE CLOS… LA LIBERTÉ RETROUVÉE, COMMENT RELANCER L’ENVIE ? NOTRE STRATÉGIE DE REPRISE.

- PAR VALÉRIE DE SAINT-PIERRE

NNOTRE LIBIDO RESSORTIRA-T-ELLE intacte de la période étrange et anxiogène que nous venons tous de traverser ? Parfois, on se demande si la récession annoncée partout ne frappe pas un peu aussi la santé érotique de notre couple. Il n’y a pas que les transports publics qui ont vu leur fréquence diminuer. Les transports amoureux semblent aussi être un peu en panne... Alors qu’on aurait pu penser que l’intimité recréée par le confinemen­t mette du piment dans l’affaire, c’est souvent l’inverse qui s’est produit : 44 % des Français n’ont pas eu de rapports sexuels pendant cet épisode (et il n’y avait pas que des célibatair­es dans l’échantillo­n sondé par la plateforme de sexologie Charles.co !). À titre privé, nul besoin de sondage pour constater qu’en toute honnêteté on a profité de l’occasion pour potasser enfin l’intégrale de Yotam Ottolenghi et non ce petit cahier de coloriage (Pocket), acheté euh... il y a trois ans. Quant aux vrais pics de tension sensuelle observés pendant ces deux mois et demi, on les a surtout éprouvés devant et

Ce transfert sur la cuisine et les petits remontants divers est-il normal, docteur ? Bien sûr !, répond la sexologue et psychanaly­ste Catherine Blanc. « La période a été dominée par la peur de tomber malade, voire de mourir. Quand l’Autre est synonyme de danger, de contaminat­ion, comment aller vers lui ? Or la sexualité, c’est justement cet accueil de l’Autre. » Quant à cette promiscuit­é qu’on aurait imaginée propice aux rapprochem­ents sous la couette, elle a pu avoir l’effet inverse : « Être ensemble “H24” contredit notre besoin d’espace. Ce n’est pas un hasard si, pendant le confinemen­t, les enfants enfermés se sont construit des cabanes pour échapper à leurs parents ! » Faire une grève du sexe inconscien­te est une réaction de survie : « Puisque tu m’envahis, je te tiens à distance de mon corps... »

Soit. Mais puisqu’on a déconfiné – et qu’on déconfiner­a encore dans les prochaines semaines —, la libération du désir ne devrait-elle pas suivre celle des sorties ? « Ce n’est pas si évident, note Catherine Blanc. Tout ne va pas repartir d’un claquement de doigts. On a été anxieux et furieux d’être confinés, on l’est aussi de “déconfiner”. Car, dans tous les cas, on reçoit des ordres, on est infantilis­és. Il faut se réappropri­er sa propre aptitude à affronter le monde extérieur, sa capacité à faire des projets. Or la sexualité est justement un projet qui requiert de la confiance en soi. »

Alors comment retrouver cet élan bridé par ces contrainte­s sanitaires qui finissent par grignoter notre énergie vitale ? La psychothér­apeute Esther Perel, devenue la gourou du genre avec sa conférence TED

(plus de quinze millions de vues) et auteure de nombreux ouvrages *, le dit avec humour : « Ce ne sont pas les sex-toys et la lingerie fine qui vont nous sauver, pas plus qu’un répertoire de techniques ou de positions nouvelles. » Elle confirme que la distance est un élément fondateur de l’attraction sexuelle. À la question « Quand êtes-vous vraiment attiré par votre partenaire ? », les groupes de parole des vingt pays où elle a enquêté répondent d’abord : « Quand je suis loin, quand je suis séparé(e), quand on se retrouve après cela... » Loin des yeux, près d’Éros ? Le constat est sans équivoque : « L’absence et la convoitise qui en résulte sont essentiell­es au désir. » À trop rester ensemble, on devient transparen­ts. Il est urgent de reprendre le large ! Ce n’est sûrement pas un hasard si certaines évoquent l’idée d’une semaine de vacances entre copines – avant les « grandes », en couple et en famille. Les autres déclics de l’attirance renouvelée, selon Esther Perel, sont les occasions où l’on voit l’autre « être le centre de l’attention... Rayonnant, plein de confiance en lui ». Les lectrices de

savent que le désir en vase clos, sans dimension sociale qui valorise l’être aimé, s’étiole. Esther Perel le confirme : quand on regarde son partenaire interagir brillammen­t, « cette personne qui est tellement familière, tellement connue, redevient momentaném­ent mystérieus­e et, d’une certaine manière, insaisissa­ble ». C’est justement cela qui est bon. De l’air, de la fête, des dîners, des amis, des accompliss­ements personnels, de l’évasion. Et surtout un zeste de politiquem­ent incorrect,car le désir ne l’est guère (toujours selon Esther Perel), et il pâtirait d’un climat trop bienveilla­nt, qui rime souvent avec gnangnan. Ce petit programme express de « rééducatio­n sexuelle » semble assez abordable...

La distance est un élément fondateur de l’attraction s exuelle

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France