Aimer le vivant », par Cyril Dion. 9/Making of : Beauté Stars en coulisses.
Il est rare de lire de nouvelles idées. D’ouvrir un livre et, après la lecture de trois ou quatre pages, de sentir son cerveau bouillonner, tant les mots accolés construisent un sens inédit, ouvrent des horizons jusqu’ici inexplorés. C’est le cas de Manières d’être vivant, du philosophe Baptiste Morizot *. Son hypothèse est simple. Si nous avons réussi à dérégler le climat jusqu’à engager de terribles trajectoires qui nous conduisent tout droit vers une augmentation de la température du globe de 5 à 7 °C en 2100, si nous avons éradiqué 60 % des populations d’animaux vertébrés en quarante ans, c’est que nous avons cru que l’être humain pouvait intégralement contrôler son environnement. Et que cet environnement – le mot ici n’est pas anodin – est comme une sorte de décor que nous pouvons modeler à loisir, au gré de nos envies et de nos nécessités. Pourtant, les montagnes, les forêts, les océans, les mangroves ne sont pas des fonds d’écran, mais la trame du vivant qui s’exprime de multiples façons, écrit-il. Nous sommes irrémédiablement liés à lui. Sans abeilles et bourdons, pas de récoltes. Sans vers de terre et carabes, pas de sols fertiles. Sans arbres, sans phytoplancton, sans photosynthèse, pas d’oxygène. Baptiste Morizot va même plus loin. Pour lui, il ne s’agit pas de « sauver » le vivant parce qu’il nous est utile, mais de considérer que les autres espèces sont des habitants de plein droit de cette planète. Et que, si nous le reconnaissons, nous sommes voués à construire des relations politiques, diplomatiques avec les animaux sauvages – ce que Morizot appelle des
« égards ajustés ». Voilà de quoi choquer certains. Mais n’avons-nous pas été choqués, en d’autres temps, par d’autres idées qui nous semblent des évidences aujourd’hui ?