Madame Figaro

ÉLISABETH LAVILLE

- Fondatrice des cabinets Cogito’Z, Jeanne Siaud-Facchin est l’auteure de « Un printemps chez soi », à paraître le 9 septembre aux Éditions Odile Jacob.

LA THÉORIE DU CULBUTO « Ce qu’on a vécu avec cette période du confinemen­t qui nous a tellement troublés et bouleversé­s, c’est un peu ce qui se passe quand un culbuto arrête de bouger : on a trouvé une sorte de verticalit­é, parce qu’on s’est connectés, même contraints et forcés à ce dont on avait vraiment besoin. Pourquoi les enfants – je parle bien sûr de ceux qui évoluent dans une famille aimante, et qui n’étaient pas victimes de maltraitan­ces – ont-ils été si heureux pendant cette période, comme ils nous l’ont beaucoup confié ? Parce qu’ils n’étaient pas en permanence placés dans le futur proche ou lointain, l’étape d’après. Quelle est la phrase qu’entend le plus un enfant dans sa vie ? “Dépêche-toi !”, de t’habiller, d’aller à l’école, de goûter avant d’aller à ton cours de judo, de rentrer faire tes devoirs, de prendre ta douche, de dîner, de te coucher tôt parce que demain il y a solfège, etc. Face à cette multiplica­tion des possibles, des activités, l’enfant, en réalité, n’est jamais entièremen­t présent là où il est. Or, de quoi a-t-il besoin pour grandir et s’épanouir ? D’être aimé et de se sentir en sécurité, mais aussi d’être présent à ce qui l’entoure : dans le “maintenant”. Du point de vue psychique, c’est très stabilisan­t et cela laisse le temps et l’espace d’imaginer, d’inventer. Avec le confinemen­t, les enfants se sont mis à ressortir leurs vieux jouets, à jouer avec ce qu’ils avaient sous la main, tous leurs trésors de vie. Et les parents, eux, ont redécouver­t leur enfant : ce qu’il aime vraiment, ce dont il a besoin.

Comme s’il avait surgi à eux-mêmes, débarrassé des particules de nos vies agitées. »

DE QUOI AS-TU BESOIN ? « C’est la seule question que les parents devraient poser à leur enfant. Et cela vaut aussi pour l’école. Beaucoup d’enseignant­s ont été obligés de se remettre en question pendant le confinemen­t. Comme ils ne pouvaient plus forcément dérouler tout leur programme, ils ont été obligés d’aller à l’essentiel. Et d’accompagne­r autrement leurs élèves. De leur demander : “De quoi as-tu besoin pour que je t’aide ? D’échanger sur Zoom ? De reprendre tel exercice ? Que je t’interroge plus souvent ?” Cette période a posé la question des savoirs fondamenta­ux : parents et enseignant­s se sont rendu compte que les maîtriser, ou plutôt les approfondi­r, c’était la priorité, plutôt que de multiplier les apprentiss­ages. Parce que prendre le temps de lire, aller à son rythme, c’est mieux comprendre ce que l’on lit, donc mieux répondre aux questions, et, du coup, avoir davantage confiance en soi. On l’a vu après le confinemen­t : c’est fou comme les enfants avaient gagné en assurance. Ils ne tremblaien­t plus dans leur coeur comme tous ceux qui ont peur, en classe, que la maîtresse les interroge. Accepter les difficulté­s de chacun, féliciter un enfant quand il répond à une question : c’est tout simplement ça le renforceme­nt positif des compétence­s. Et l’unique moteur de la motivation. »

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