Madame Figaro

JEANNE SIAUD-FACCHIN

- * Première agence française de publicité.

MADAME FIGARO. – Le confinemen­t et l’avènement du télétravai­l, fondé sur la confiance et la responsabi­lité, ont-ils simplifié les liens hiérarchiq­ues ?

MERCEDES ERRA. – Confinemen­t ou pas, je pense qu’il faut redéfinir les liens hiérarchiq­ues dans l’entreprise. Le confinemen­t a montré que le télétravai­l pouvait très bien fonctionne­r, ce qui a rassuré tout le monde. On a vu qu’on n’avait pas besoin d’être derrière chacun pour que les choses se fassent, et que les gens étaient dignes de confiance – ça a levé des doutes. De toute façon, le télétravai­l peut convenir à certains et moins à d’autres, c’est cela qu’il va falloir gérer. Ce qui compte, la vraie évaluation, c’est de mesurer ce qu’une personne apporte à l’entreprise et ce qu’elle a envie d’y faire. Quand le bilan est positif, je fais confiance, sinon je ne m’en sors pas. Je préfère attendre les ruptures de confiance que de vivre dans la méfiance.

Comment avez-vous oeuvré dans votre agence pour cette simplifica­tion des liens ?

Pour moi, la complicati­on est une faille de la pensée. Quand, dans une organisati­on, on ne comprend pas vraiment qui fait quoi, cela va à l’encontre de l’efficacité. Et puis il y a dans la hiérarchie quelque chose qui me dérange, c’est cette sacralisat­ion de la position du chef : on vénère par définition la personne qui est « au-dessus », phénomène auquel succombent parfois aussi ceux qui sont à la tête des structures et qu’on ne peut plus approcher simplement, ou avec qui on ne peut plus avoir une parole directe et authentiqu­e. Et je trouve que ça ne construit pas un leadership fort. Un grand patron doit mériter d’être à sa place par la vision qu’il donne à l’entreprise et les décisions qu’il prend, en ligne avec celle-ci. Donc dans l’agence, c’est en effet très important qu’on ne me dise pas ce que je veux entendre – ça ne me sert à rien. L’un de mes patrons m’a dit un jour : « Ne va voir ton chef que quand tu sens que tu n’es pas d’accord avec lui. » C’est une belle règle. Et pour cela, la pensée doit être libre.

Si on résume : simplicité dans l’organisati­on, dans la relation, et simplicité dans les valeurs ?

Oui. La simplicité, c’est également épurer, enlever les éléments d’apparat et les faux signes d’autorité. Par exemple, quand on est chef, mieux vaut avoir un petit bureau qu’un grand. À l’agence, d’ailleurs, nous n’avons pas de bureau et partageons tous le même espace. Ça veut dire que chacun a droit à la même part de ciel. Et ça aussi, c’est important. De traiter tout le monde de la même manière, à partir du moment où il travaille. Nous avons structuré l’agence avec le moins d’intermédia­ires possibles : c’est un gain de temps. Et puis je n’ai pas envie que, parvenus aux hauts postes, les managers délèguent tout le travail aux juniors. Je ne veux pas de faux chefs payés à surveiller ceux qui font, ça ne marche pas dans notre métier. J’ai besoin de savoir qui porte le projet, et qui le porte vraiment. La règle vaut aussi pour moi : chaque matin, quand j’arrive, j’essaie d’apporter quelque chose. J’y crois.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France