Madame Figaro

WILFRIED N’SONDÉ,

“J’ai subi un nombre incalculab­le de contrôles de police”

- * « Un océan, deux mers, trois continents », Éditions Actes Sud.

« J’ai déjà été confronté au racisme en France. J’ai aussi vécu des épisodes de discrimina­tion. Par exemple, je peux citer cette fois où deux fourgons de CRS nous ont encerclés lors d’une promenade dominicale en bord de Seine avec mes frères, deux cousins et trois amis. Ils avaient reçu un appel signalant qu’“un gang patrouilla­it dans le quartier”… J’ai également subi un nombre incalculab­le de contrôles de police, contrairem­ent à des camarades d’université à la peau plus pâle. C’est aussi pour cela que je suis parti vivre en Allemagne, où en vingt-cinq ans de séjour, je ne me suis pas fait contrôler une seule fois ! On devrait demander à notre police d’appliquer les principes supposés faire partie de la Constituti­on française : l’égalité et la fraternité. C’est le moins que puisse faire le pays qui se veut le champion des droits de l’homme… Quand je suis arrivé à la fac, j’ai rencontré deux étudiants d’Afrique et constaté que pour eux, j’étais un Blanc. Je me suis rendu compte que le racisme était distribué également dans toute l’humanité. Et que mon être ne se limitait pas à une couleur de peau ; je suis père, je suis écrivain, je suis fier de mon héritage congolais, de mon héritage français, de celui qui me vient de l’Éducation nationale, des livres que j’ai lus,

des films que j’ai vus, de ce que j’ai appris en Allemagne, des gens que je rencontre… Être confronté au racisme m’a permis de porter un autre regard sur l’humanité, sur moi et sur les autres. Dans mon oeuvre, ces questions sont omniprésen­tes. Mon dernier roman* parle de la traite transatlan­tique sans évoquer la couleur de peau. À ma modeste échelle, je m’efforce de faire évoluer les choses, à travers mes livres, mes interventi­ons en milieu scolaire et dans les festivals littéraire­s. J’essaie de porter cette parole selon laquelle il n’existe qu’une seule espèce humaine et que la couleur de peau n’a pas de significat­ion. L’histoire de l’humanité comprend toutes sortes de racismes car c’est un modèle économique aussi abject que répandu, de l’économie nazie fondée sur l’exclusion des juifs au goulag permettant de faire travailler des gens pour rien… Chaque homme mis en esclavage, c’est un mépris de l’humanité, quelle que soit sa couleur de peau. »

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