JEAN-PIERRE BLANC
Le monde a ralenti, mais la mode reflète plus que jamais la vitalité d’une nouvelle génération
à distance, d’autres seront présents. Tous ont sélectionné les finalistes mode à Paris en janvier dernier, parmi 370 dossiers issus de 60 nationalités. Paolo Roversi préside de son côté le jury photographie. Dernière-née des catégories du Festival, les Accessoires de mode, dont le jury est présidé par Hubert Barrère (directeur artistique de la maison Lesage et corsetier). Jean-Pierre Blanc demeure la figure charismatique de cet événement hors normes. En trentecinq années d’exercice passionné, sa barbe s’est assortie à son patronyme, mais le regard, clair comme les eaux de l’île du Levant où il se ressource dès que possible, garde l’acuité d’un explorateur des nouvelles frontières de la création. Insatiable amoureux du Sud, Jean-Pierre Blanc est devenu, en 2003, directeur de la Villa Noailles, désormais centre d’art, où il programme des expositions de mode, de photographie, de design et d’architecture. Trois ans plus tard, il a fondé le festival Design Parade, à Hyères, et en 2016, le Festival international d’architecture intérieure, à Toulon. Homme de culture par vocation, il est lié à un art de vivre solaire qui lui donne bonne mine toute l’année, et c’est sans doute cette distanciation, géographique et philosophique, qui a garanti et peaufiné toutes ces années la singularité de ce festival aux multiples volets. Rencontre décalée autour de cette édition inédite à tout point de vue.
MADAME FIGARO. – Comment soutenir les jeunes dans cette période tangente ?
JEAN-PIERRE BLANC. – Si on avait encore des doutes, c’est plus que jamais le moment de s’engager en faveur de la jeune création ! Je suis heureux d’avoir créé un festival pour et par la jeunesse. C’est important de prendre
la parole pour donner confiance à la nouvelle génération. Si elle la perd, il n’y a pas d’avenir. C’est aussi pour ça que j’enseigne à l’HEAD (2). Pour ouvrir et transmettre. La sélection de cette année est particulière, car elle s’est faite par Internet et sur Zoom. Mais sur place, on retrouvera la qualité de relation qui caractérise le festival. Comment vous êtes-vous adaptés au nouveau contexte ? Les mesures imposées font perdre beaucoup d’argent aux organisateurs d’événements culturels. Des surcoûts, même si des aides sont annoncées. Depuis mars, je constate de la prudence de toutes parts. Cet été, je me suis concentré sur la Villa Noailles comme lieu de culture, et sur l’écriture d’un guide, à propos de tous les lieux d’art entre Monaco et Sète. Début juillet, quand nous avons organisé différents vernissages, il y avait une grande appétence des visiteurs pour la découverte et les expositions. Puis la rentrée a calmé le jeu, l’enthousiasme est un peu retombé. Mais d’autres festivals en France et en Italie se déroulent bien, et drainent du public. C’est vrai qu’on ne se sent pas poussés par le contexte, à part par les aficionados du festival, fidèles depuis des années. Même si tous les budgets ont été revus à la baisse, c’est le moment de rebondir. Au titre des nouveautés cette année, Hermès a créé le Prix des Accessoires de mode, doté de 20 000 €, pour permettre à un finaliste de concevoir un bijou en cuir en collaboration avec ses ateliers .
Quelle a été l’évolution du festival en trente-cinq ans ?
Il y a eu trois grandes périodes : les débuts, où on est parti de rien, et où on n’intéressait pas grand monde ; puis l’arrivée des maisons de luxe et des grands noms de l’industrie qui sont devenus partenaires, et alors on ne parlait plus que d’eux ; enfin, il y a eu un rééquilibrage, au profit de la jeune création .
Est-ce toujours un défi d’être loin de Paris ?
Il y a des avantages et des inconvénients.
Tout met un peu plus de temps, on passe à côté de certaines opportunités, mais nous sommes aussi très indépendants, et distincts d’une certaine cour. La province n’a jamais été aussi plébiscitée, Marseille devient le centre du monde. Mais c’est relativement nouveau, et la décentralisation dont on parle depuis trente ans, on n’y est pas encore. Ce festival est tout sauf une opération de communication, et c’est ce qui garantit notre longévité : une direction artistique cohérente, à laquelle s’associent les grands groupes, sans la diriger.
Outre les marques partenaires, quels sont les soutiens du festival ?
Nous bénéficions de subventions publiques, et ce qui est formidable, c’est que même pour cette édition singulière, où la programmation était susceptible d’être modifiée, nos dotations n’ont pas été réduites d’un centime. C’est un signal fort. Mais il nous faudrait une aide spécifique pour pérenniser le festival, qui repose sur la volonté de ceux qui le gèrent aujourd’hui. Bien sûr, nous avons aussi été soutenus, indéfectiblement, par la presse.
Qu’est-ce qui définit la « mode d’auteur » ?
C’est celle qui raconte une histoire. Celle qui génère de l’émotion, qui touche à la culture et à l’art. Contrairement à ce que beaucoup aiment à dire, la mode, c’est un art, ancré dans la vie. Arrêtons, en 2020, de catégoriser les modes d’expression.
Les nouvelles générations sont plus fines et plus intelligentes, elles ne segmentent plus : ni les genres, ni les arts, et certainement pas la mode. Les jeunes créent eux-mêmes l’une des plus belles modes qui soit : la leur. Cette 35e édition démontrera que même si le monde a (sans doute provisoirement) ralenti, la mode « créateurs » reflète plus que jamais la vitalité d’une nouvelle génération, lucide et ambitieuse.
En plus des dotations, sous forme de collaboration et mentorat des partenaires, et de la visibilité qu’offre le festival, des aides financières soutiennent les jeunes talents.
MODE
Le Grand Prix du jury Première Vision. Le lauréat reçoit une bourse de 20 000 €, remise par Première Vision. Il a aussi un projet de collaboration avec les Métiers d’art de Chanel, à hauteur de 20 000 €. La présentation de sa collection lors de la Mercedes-Benz Fashion Week, à Berlin. Et une visite de la maison Swarovski et de ses archives en Autriche. Le Prix Chloé : 20 000 €.
Le Prix 19M des Métiers d’art de Chanel : un projet de collaboration avec les Métiers d’art de Chanel, à hauteur de 20 000 €. ACCESSOIRES DE MODE
Le Grand Prix du jury Accessoires de mode est doté par la maison Chanel d’un projet de collaboration avec ses Métiers d’art, à hauteur de 20 000 €. Le Prix Hermès des Accessoires de mode, doté d’une bourse de 20 000 €, sera décerné au candidat sélectionné pour la création d’un bijou en cuir. PHOTOGRAPHIE
Le Grand Prix du jury Photographie : 20 000 € offerts par la maison Chanel. Le Prix de la photographie American Vintage : 15 000 € (dont 5 000 € destinés au photographe lauréat), et la commande d’une série mode.