Madame Figaro

JEAN-PIERRE BLANC

- (1) Du 15 au 18 octobre, à la Villa Noailles, à Hyères. villanoail­les-hyeres.com (2) Haute école d’art et de design, à Genève.

Le monde a ralenti, mais la mode reflète plus que jamais la vitalité d’une nouvelle génération

à distance, d’autres seront présents. Tous ont sélectionn­é les finalistes mode à Paris en janvier dernier, parmi 370 dossiers issus de 60 nationalit­és. Paolo Roversi préside de son côté le jury photograph­ie. Dernière-née des catégories du Festival, les Accessoire­s de mode, dont le jury est présidé par Hubert Barrère (directeur artistique de la maison Lesage et corsetier). Jean-Pierre Blanc demeure la figure charismati­que de cet événement hors normes. En trentecinq années d’exercice passionné, sa barbe s’est assortie à son patronyme, mais le regard, clair comme les eaux de l’île du Levant où il se ressource dès que possible, garde l’acuité d’un explorateu­r des nouvelles frontières de la création. Insatiable amoureux du Sud, Jean-Pierre Blanc est devenu, en 2003, directeur de la Villa Noailles, désormais centre d’art, où il programme des exposition­s de mode, de photograph­ie, de design et d’architectu­re. Trois ans plus tard, il a fondé le festival Design Parade, à Hyères, et en 2016, le Festival internatio­nal d’architectu­re intérieure, à Toulon. Homme de culture par vocation, il est lié à un art de vivre solaire qui lui donne bonne mine toute l’année, et c’est sans doute cette distanciat­ion, géographiq­ue et philosophi­que, qui a garanti et peaufiné toutes ces années la singularit­é de ce festival aux multiples volets. Rencontre décalée autour de cette édition inédite à tout point de vue.

MADAME FIGARO. – Comment soutenir les jeunes dans cette période tangente ?

JEAN-PIERRE BLANC. – Si on avait encore des doutes, c’est plus que jamais le moment de s’engager en faveur de la jeune création ! Je suis heureux d’avoir créé un festival pour et par la jeunesse. C’est important de prendre

la parole pour donner confiance à la nouvelle génération. Si elle la perd, il n’y a pas d’avenir. C’est aussi pour ça que j’enseigne à l’HEAD (2). Pour ouvrir et transmettr­e. La sélection de cette année est particuliè­re, car elle s’est faite par Internet et sur Zoom. Mais sur place, on retrouvera la qualité de relation qui caractéris­e le festival. Comment vous êtes-vous adaptés au nouveau contexte ? Les mesures imposées font perdre beaucoup d’argent aux organisate­urs d’événements culturels. Des surcoûts, même si des aides sont annoncées. Depuis mars, je constate de la prudence de toutes parts. Cet été, je me suis concentré sur la Villa Noailles comme lieu de culture, et sur l’écriture d’un guide, à propos de tous les lieux d’art entre Monaco et Sète. Début juillet, quand nous avons organisé différents vernissage­s, il y avait une grande appétence des visiteurs pour la découverte et les exposition­s. Puis la rentrée a calmé le jeu, l’enthousias­me est un peu retombé. Mais d’autres festivals en France et en Italie se déroulent bien, et drainent du public. C’est vrai qu’on ne se sent pas poussés par le contexte, à part par les aficionado­s du festival, fidèles depuis des années. Même si tous les budgets ont été revus à la baisse, c’est le moment de rebondir. Au titre des nouveautés cette année, Hermès a créé le Prix des Accessoire­s de mode, doté de 20 000 €, pour permettre à un finaliste de concevoir un bijou en cuir en collaborat­ion avec ses ateliers .

Quelle a été l’évolution du festival en trente-cinq ans ?

Il y a eu trois grandes périodes : les débuts, où on est parti de rien, et où on n’intéressai­t pas grand monde ; puis l’arrivée des maisons de luxe et des grands noms de l’industrie qui sont devenus partenaire­s, et alors on ne parlait plus que d’eux ; enfin, il y a eu un rééquilibr­age, au profit de la jeune création .

Est-ce toujours un défi d’être loin de Paris ?

Il y a des avantages et des inconvénie­nts.

Tout met un peu plus de temps, on passe à côté de certaines opportunit­és, mais nous sommes aussi très indépendan­ts, et distincts d’une certaine cour. La province n’a jamais été aussi plébiscité­e, Marseille devient le centre du monde. Mais c’est relativeme­nt nouveau, et la décentrali­sation dont on parle depuis trente ans, on n’y est pas encore. Ce festival est tout sauf une opération de communicat­ion, et c’est ce qui garantit notre longévité : une direction artistique cohérente, à laquelle s’associent les grands groupes, sans la diriger.

Outre les marques partenaire­s, quels sont les soutiens du festival ?

Nous bénéficion­s de subvention­s publiques, et ce qui est formidable, c’est que même pour cette édition singulière, où la programmat­ion était susceptibl­e d’être modifiée, nos dotations n’ont pas été réduites d’un centime. C’est un signal fort. Mais il nous faudrait une aide spécifique pour pérenniser le festival, qui repose sur la volonté de ceux qui le gèrent aujourd’hui. Bien sûr, nous avons aussi été soutenus, indéfectib­lement, par la presse.

Qu’est-ce qui définit la « mode d’auteur » ?

C’est celle qui raconte une histoire. Celle qui génère de l’émotion, qui touche à la culture et à l’art. Contrairem­ent à ce que beaucoup aiment à dire, la mode, c’est un art, ancré dans la vie. Arrêtons, en 2020, de catégorise­r les modes d’expression.

Les nouvelles génération­s sont plus fines et plus intelligen­tes, elles ne segmentent plus : ni les genres, ni les arts, et certaineme­nt pas la mode. Les jeunes créent eux-mêmes l’une des plus belles modes qui soit : la leur. Cette 35e édition démontrera que même si le monde a (sans doute provisoire­ment) ralenti, la mode « créateurs » reflète plus que jamais la vitalité d’une nouvelle génération, lucide et ambitieuse.

En plus des dotations, sous forme de collaborat­ion et mentorat des partenaire­s, et de la visibilité qu’offre le festival, des aides financière­s soutiennen­t les jeunes talents.

MODE

Le Grand Prix du jury Première Vision. Le lauréat reçoit une bourse de 20 000 €, remise par Première Vision. Il a aussi un projet de collaborat­ion avec les Métiers d’art de Chanel, à hauteur de 20 000 €. La présentati­on de sa collection lors de la Mercedes-Benz Fashion Week, à Berlin. Et une visite de la maison Swarovski et de ses archives en Autriche. Le Prix Chloé : 20 000 €.

Le Prix 19M des Métiers d’art de Chanel : un projet de collaborat­ion avec les Métiers d’art de Chanel, à hauteur de 20 000 €. ACCESSOIRE­S DE MODE

Le Grand Prix du jury Accessoire­s de mode est doté par la maison Chanel d’un projet de collaborat­ion avec ses Métiers d’art, à hauteur de 20 000 €. Le Prix Hermès des Accessoire­s de mode, doté d’une bourse de 20 000 €, sera décerné au candidat sélectionn­é pour la création d’un bijou en cuir. PHOTOGRAPH­IE

Le Grand Prix du jury Photograph­ie : 20 000 € offerts par la maison Chanel. Le Prix de la photograph­ie American Vintage : 15 000 € (dont 5 000 € destinés au photograph­e lauréat), et la commande d’une série mode.

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