Madame Figaro

À LA MÉMOIRE DE SAMUEL PATY, PROFESSEUR

FACE À L’UNION LÉTALE DE LA CRUAUTÉ ET DE LA HAINE, L’ARME ULTIME DE LA RÉPUBLIQUE RESTE ET RESTERA L’ÉCOLE.

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et faire souffrir encore plus ? Mais peut-être le « point aveugle » est-il situé dans cette conjonctio­n inédite que l’assassin du professeur Samuel Paty a « réalisée » : celle de la cruauté et de la haine. La cruauté dont le mal excède sa propre malignité, qui jouit du sang versé, martyrise la chair, démembre le corps et s’exalte d’être « au-delà » de l’humain. Et la haine, qui produit d’elle-même ce « gaz » capable d’anesthésie­r tout ce qui pourrait s’opposer à son déchaîneme­nt, qui « bloque » l’esprit et le coeur en les empêchant de s’emplir de sentiments aptes à la calmer ou l’étouffer, et dont la folle spirale conduit à te haïr, toi, à haïr ce dont tu es le symbole, ta culture, ta langue, ta religion, ton absence de religion, ton mode de vie, les livres que tu lis et les spectacles que tu vois, à haïr ta famille, tes amis, les amis de tes amis, tes petits-enfants, tes aïeux, les aïeux de tes aïeux… Mais on ne recourra pas ici à la psychologi­e individuel­le. Car cette union létale de cruauté et de haine, ne vient pas de nulle part : elle est fabriquée, diffusée, instillée par une stratégie de propagande bien précise mais invisible, « moléculair­e », faite d’approches cauteleuse­s, dans un collège, une mosquée salafiste, l’arrière-salle d’un kebab, une cage d’escalier, de conseils de lecture « orientée », de discussion­s, de messages, d’images, de communicat­ions dans les usines de fiel que sont les réseaux sociaux et le

LA RÉPUBLIQUE EST-ELLE DÉSARMÉE ? Est-il suffisant qu’elle lutte politiquem­ent et juridiquem­ent, surveille, fiche, arrête, expulse ? Ce qui est sûr, c’est que l’école est son arme principale. On ne reprendra pas l’idée insensée que là, comme dans la société, « on n’a pas peur » – car on y tremble déjà : les professeur­s de philosophi­e, d’histoire, d’éducation civique, de biologie savent qu’ils marchent sur des braises quand ils parlent de croyance et de religion, de sexualité et d’homosexual­ité, ou des droits des femmes. Mais ils ont le courage de continuer à le faire, d’offrir aux élèves, cours après cours, de quoi nourrir leur esprit critique, de les ouvrir au pluralisme des opinions et des genres de vie – autant de graines qui, mûries, constituer­ont les antidotes au dogmatisme, à l’aliénation et au fanatisme. C’est le métier qu’exerçait Samuel Paty.

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