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Brillante étudiante en médecine quand elle aurait pu, en ce début du XXe siècle, se contenter de tenir salon, pionnière de la chirurgie esthétique qui eut Sarah Bernhardt pour patiente, amoureuse de l’art, féministe qui oeuvra à l’émancipation de ses soeurs quand seuls les hommes avaient le droit de vote… On comprend ce qui a pu pousser Leïla Slimani à vouloir consacrer une BD à Suzanne Noël. Née en 1878, cette jeune femme issue de la bourgeoisie de province, si elle a su affronter les préjugés de son temps, a aussi eu la chance de recevoir le soutien d’hommes éclairés, tel le professeur Morestin, spécialiste de la chirurgie maxillo-faciale avec qui elle a travaillé à la reconstruction des visages des gueules cassées de la Première Guerre mondiale. Redonnant figure humaine aux mutilés et leur réapprenant à déglutir, respirer, vivre, Suzanne est consciente que la chirurgie ne répare pas que les disgrâces physiques. Mais elle sait aussi que les apparences et la beauté constituent un véritable « capital » pour les femmes – combien sont licenciées car trop vieilles ou juste laides… Dans ce premier tome, Leïla Slimani tient d’une main ferme le fil de la foisonnante trajectoire de son héroïne, Clément Oubrerie détournant, lui, avec délicatesse le traditionnel gaufrier et la non moins classique ligne claire – des incursions à l’aquarelle venant souligner la fascination de Suzanne pour le sang et les corps – pour mieux incarner un personnage non pas iconoclaste en soi mais déterminé et libre, tant dans sa vie professionnelle que privée.
« À mains nues », de Leïla Slimani et Clément Oubrerie, Éditions Les Arènes, 104 p., 20 €.