SOMMES-NOUS sous influence d’une ambiance ?
Il n’est pas aisé de définir ce qu’est une ambiance. Non qu’elle soit rare et difficile à percevoir, mais, au contraire, parce qu’elle est toujours là. L’ambiance possède une évidence invisible. Sa présence continue la rend d’une certaine façon imperceptible. Pour autant, nous vivons continuellement au sein d’ambiances, qu’elles soient sereines, joyeuses, tendues ou inquiétantes. C’est comme une présence aérienne, enveloppante et pénétrante, qui nous accompagne partout et constitue la première impression d’ensemble d’une situation. Malheureusement, notre conscience essentiellement pratique, constamment tournée vers des buts à atteindre, des projets à réaliser, réprime cette présence, et c’est pourquoi nous ne faisons pas attention à l’ambiance, tendus que nous sommes vers l’objet de notre intérêt présent ou futur. Cette attitude pratique, qui domine la vie quotidienne, exerce un refoulement de notre sensibilité « ambiancielle ». C’est la raison pour laquelle, lorsque cette attitude est suspendue, notamment dans les moments de loisir, de flânerie, d’écoute ou de recul contemplatif, la présence des ambiances se révèle.
INSPIRATIONS
ATLASOFPLACES.COM : une extraordinaire réserve d’images, de textes et de cartes. L’ESCALIER DES AVEUGLES : le blog de Guillaume Contré sur des auteurs ou des livres qui n’ont pas toujours la reconnaissance publique et critique (escalier -des-aveugles.blogspot.com).
C’est comme un retour du refoulé. Mais l’ambiance n’est pas que ce sentiment diffus de la situation. C’est aussi une influence. Selon leur intensité, les ambiances possèdent une puissance, voire une autorité. Il y a des choses que nous ne pourrions faire si nous n’étions pas pris dans une ambiance particulière. C’est comme si la situation elle-même, dans sa résonance avec nous, nous faisait agir. Nombre de phénomènes de contagion affective au sein des groupes peuvent s’expliquer par cette faculté qu’ont les ambiances de motiver certaines conduites. C’est dire que notre capacité d’action ne dépend pas que de notre volonté. Certes, nous savons, au moins depuis Nietzsche, que l’inconscient influence également nos décisions. Mais nos actions dépendent aussi de facteurs extérieurs comme les ambiances, qui nous poussent à agir dans un sens et non dans tel autre. D’ailleurs, la réflexion éthique, celle qui vise à établir les conditions d’une vie juste et bonne, tient compte de ces facteurs « ambianciels ». Ce n’est pas pour rien que certains moines décident de vivre dans le désert afin de parvenir à une expérience spirituelle authentique. Ils choisissent ainsi une ambiance particulière – la solitude, le silence, le retrait, la présence brute de la nature, etc. – afin que celle-ci soutienne la discipline corporelle et spirituelle qu’ils s’imposent. L’ambiance est dans ce cas un élément central du contrôle de soi.