Madame Figaro

CONFINÉ(E) FAUT-IL S’INQUIÉTER DU POIDS DE L’ENNUI ?

RÉPONSES AVEC LE PSYCHIATRE SERGE TISSERON, SPÉCIALIST­E DES TECHNOLOGI­ES NUMÉRIQUES.

- Dernier livre paru : « L’Emprise insidieuse des machines parlantes », de Serge Tisseron, Éditions Les Liens qui libèrent.

Avec ce nouveau confinemen­t, beaucoup disent se sentir plus abattus, accusent l’ennui. Comment faire face ? Dans l’ennui, nous avons l’impression que le monde s’est retiré, que nous sommes victimes. Or, en réalité, nous sommes dans une posture active. L’ennui est une façon de fuir des sentiments que nous éprouvons face au monde et qui nous menacent, par exemple l’angoisse de l’avenir, ou une dépression par rapport aux êtres chers que l’on ne peut plus voir. Nous devenons alors indifféren­ts à ce que nous éprouvons pour nous protéger. La première chose à faire est donc de déterminer ce qui, à l’intérieur de soi, a causé ce retrait.

Que signifie « sentir le temps long » pour un adulte ?

En ce moment, soit on profite de l’instant présent, d’une journée ensoleillé­e par exemple, soit on se projette au mois de septembre 2021 avec la potentiell­e arrivée d’un vaccin et un retour à la vie normale. Nous sommes ainsi soit dans l’instantané, soit dans un temps très long. On ne peut plus se projeter sur le temps moyen, savoir ce que l’on fera la semaine ou le mois prochains. On trouve donc le temps long car entre l’immédiatet­é, c’est-à-dire le temps zéro, et le long terme… il n’y a rien.

Comment malgré tout accepter l’ennui ?

En inversant la logique de cette situation imprévisib­le. Puisque nous ne savons rien de demain, prenons le temps de vivre pleinement aujourd’hui. Rendons-nous disponible­s dans l’immédiat. Mais cela nous oblige à lutter contre une morale qui incite à organiser nos comporteme­nts actuels en fonction de notre avenir, quand celui-ci est aujourd’hui très hypothétiq­ue.

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