Madame Figaro

MELODY GARDOT joue sur l’émotion

- PAR PAOLA GENONE

Avec son nouvel album Melody Gardot nous offre une fois de plus le reflet de son immense talent. À travers ses clips et sa voix soyeuse, la chanteuse musicienne irradie d’une douceur incroyable, une chaleur venue du jazz, de la musique latino-américaine qui nous colle à la peau.

Madame Figaro. – Les chansons de déclinent toute une gamme d’émotions. Comment sont-elles nées ?

Melody Gardot.– Nous vivons une époque où l’émotionnel prend

le dessus. a été enregistré dans la confusion de l’époque et avec peu de moyens. Si j’ai eu la chance de réaliser des chansons avec le Royal Philharmon­ic Orchestra de Londres dans les studios d’Abbey Road, j’ai aussi été confrontée à l’impossibil­ité d’être en prise directe avec les musiciens pour d’autres titres.

Durant le confinemen­t, vous avez enregistré le single dont les droits sont reversés à l’associatio­n Aide ton soignant. Comment avez-vous procédé ?

J’ai été confinée deux mois à Paris, où je vis la moitié du temps, et, avec l’aide du producteur Larry Klein, j’ai lancé un casting mondial s ur la Toile pour recruter une soixantain­e de musiciens du monde entier…

J’ai créé un orchestre numérique planétaire, mon « orchestre de l’impossible ». Vous avez aussi enregistré ce duo bouleversa­nt avec Sting…

On m’a dit à mes débuts : « Un album est simplement une photograph­ie de l’endroit où se trouve un artiste à un moment de sa vie. » Cela m’a permis de m’ôter la pression de la quête de perfection. Chanter en duo avec Sting sans pouvoir partager le même micro me paraissait étrange, mais ça a été extrêmemen­t fort. L’humain découvre des ressources inépuisabl­es dans des périodes de forte crise. Un poème d’Antonio Machado dit : « Marcheur, ce sont tes traces ce chemin, et rien de plus. Marcheur, il n’y a pas de chemin, le chemin se construit en marchant. » Votre album est aussi un hymne à l’improvisat­ion…

L’improvisat­ion est un talent typiquemen­t féminin, et ce disque est un éloge à la femme. Récemment, j’ai décidé de monter presque nue sur la scène, avec une guitare, une basse et un violoncell­e. Nous avons joué avec les silences, le tremblemen­t de la pensée. Je me suis sentie comme un peintre minimalist­e, un coloriste… Comme une femme qui joue sa vie avec l’imprévu au quotidien, en tournant le bouton sur les fréquences de l’amour, de la douceur, de la sensualité. Des cordes que je connais déjà depuis mon accident et la perte de mes mouvements, que j’ai retrouvés jour après jour en me frayant un chemin très jeune dans l’inconnu.

Dans le clip de vous roulez dans une décapotabl­e sur une corniche surplomban­t la mer, telle une héroïne de Hitchcock. Une invitation au rêve ?

Absolument. Ce tournage n’a duré que quelques heures, où j’ai pu ôter mon masque pour conduire et sentir le vent sur mon visage. J’ai éprouvé des émotions d’enfance. Je jouais avec le chatoiemen­t de la soie d’un merveilleu­x foulard qui m’a été donné par la maison Hermès. Un carré plein de souvenirs, car l’une des premières choses que j’ai pu m’offrir quand j’ai commencé à chanter a été un foulard Hermès. Pour moi, une Américaine provincial­e, cet objet était très symbolique. Il m’ouvrait les portes d’un monde rêvé, fait de beauté et d’élégance.

Votre pochette d’album est une peinture abstraite aussi douce que puissante, qui en est l’auteur ?

Pat Steir, une peintre conceptuel­le américaine, exposée au Louvre et au MoMA. Je veux partager la force de l’art, celle des danseuses de Pina Bausch qui se donnent jusqu’à l’épuisement sur scène, des prises de risque de Jacques Brel, de la douceur de Rodin quand il chante l’amour avec un geste de mains…

Sunset in the Blue,

Pochette de l’album

PLEINS FEUX

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