“Favorisons une technologie qui aide les humains à s’occuper des humains”
Auteur d’un ouvrage de référence sur le changement *, le directeur du département d’économie de l’École normale supérieure nous aide à mieux comprendre la période que nous traversons, et à penser d’autres modèles possibles. À décliner à l’échelle de la so
actuellement dans un moment darwinien inégalé dans l’histoire.
Dans la société industrielle, tout était volontairement « routinisé ». Avec l’avènement du capitalisme numérique au début des années 2000, on cherche encore plus le moyen de réduire les coûts. Toute routine a vocation à être remplacée par un algorithme. À l’humain épuisé, pressé comme un citron, on va substituer un algorithme pour les tâches répétitives. D’où cette injonction permanente à être dans la créativité – pour ne pas être « algorithmisé ».
C’est toute la question ! Qui seront les plus menacés ? Pas le bas de la pyramide sociale, dont les métiers sont en précarisation croissante – c’est un autre sujet —, mais dont on aura besoin pour que la société numérique fonctionne. Les Amazon, les Deliveroo, auront besoin de main-d’oeuvre. Le haut de la pyramide ne sera pas le plus impacté non plus, parce que c’est là que se situe l’inventivité. Les plus menacées seront les professions intermédiaires. Les classes moyennes inférieures, en voie de prolétarisation, quand il y a cinquante ans elles étaient en voie d’embourgeoisement. C’est pour cela qu’elles sont très malheureuses et en colère : elles n’ont plus d’avenir. quand même beaucoup de détruire. Au lieu de trouver l’application qui soigne sans médecin, on aurait besoin de celle qui permette aux médecins de mieux se coordonner. Ce que je défends, c’est un humanisme qui mette la technologie à son service et non pas le contraire. Une technologie dont la finalité soit d’aider les humains à s’occuper des humains.
De créer des circuits courts.
Face à la norme du toujours plus vite, du toujours stressant, que souvent on accepte, on pourrait créer une contreculture, où l’on s’interroge sur l’urgence réelle des situations. Et qui dise : on ne va pas faire vite, on va faire bien. Il est très important d’imposer dans les entreprises d’autres normes de performance que la course au juste à temps. La qualité des relations sociales, par exemple. On pourrait les noter avec des indicateurs subjectifs – il ne serait pas agréable, pour une grande entreprise, d’afficher une note d’une étoile.
Les actionnaires prennent des risques financiers. Mais une entreprise, ce sont aussi des gens qui prennent des risques humains. Je ne parle pas de diminuer le rôle des actionnaires, mais au contraire de le renforcer. On le sait : quand les relations sociales sont meilleures, la productivité des entreprises est meilleure. Rien ne justifie l’usure psychique qu’exige aujourd’hui le monde du travail.