Madame Figaro

“Comment mieux vivre avec le risque ?”

La crise sanitaire oblige à se protéger tout en redoublant de force pour avancer, créer, être soi malgré tout et préserver un élan vital. La philosophe et psychanaly­ste * nous aide à surmonter cette profonde contradict­ion.

- * Professeur titulaire de la chaire Humanités et Santé au Conservato­ire national des arts et métiers, elle dirige également la chaire de philosophi­e à l’hôpital du GHU Paris Psychiatri­e et Neuroscien­ces. Dernier ouvrage paru : « Ci-gît l’amer. Guérir du r

qu’il est composé d’autre chose, qui n’est pas lui.

Les enseigneme­nts de cette crise sont intéressan­ts : ils ont montré la nécessité de revenir à plus d’autonomie, d’avoir des normes sociales et environnem­entales plus fortes et réciproque­s entre États. Nous avons aujourd’hui les preuves concrètes des conséquenc­es d’un système dérégulé sur nos vies.

Je pense aux nouveaux usages, qui montrent un vrai potentiel. Le télétravai­l libère, quoi qu’on en dise, d’une pression hiérarchiq­ue permanente, des mobilités contrainte­s, des intrusifs, épuisants. Demain, il peut aider à la « démétropol­isation », à desserrer la densité, ce dont on a besoin. À partir du moment où les gens travaillen­t chez eux, la question de la fracture numérique, donc de la qualité du logement, va se poser. Les entreprise­s, au lieu de payer des bureaux, pourraient aider à rénover des habitats. Alors, bien sûr, le télétravai­l a ses pénibilité­s, on les connaît. Mais si on ne tombe pas dans le délire de la surveillan­ce à distance, le système peut être intéressan­t en termes de transforma­tion de vie, d’allocation d’aides, de productivi­té, et de choix des mobilités.

Oui. C’est compliqué, car on n’est pas encore au point, ni au niveau… Mais si le télé-enseigneme­nt devient demain plus fréquent, il peut obliger à s’intéresser enfin à l’inégalité face aux devoirs, aux équipement­s, à développer les cours de soutien. Les outils numériques peuvent aider à personnali­ser l’enseigneme­nt et les rythmes d’apprentiss­ages. Personne ne souhaite qu’ils se substituen­t au présentiel, mais qu’ils le « complément­arisent » intelligem­ment.

En sortant de l’attentisme, en s’obligeant à l’action, à la solidarité. À des stratégies d’innovation commune et d’intelligen­ce collective pour traverser cette période. Il y aura une obligation d’invention. Si l’on manque d’inspiratio­n seul, on peut créer des collectifs pour traverser l’épreuve ensemble. La création est toujours source de résilience.

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