Madame Figaro

ALMODÓVAR LA COULEUR DE LA PASSION :

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L’intérêt de Pedro Almodóvar pour La Voix humaine, pièce de Jean Cocteau, ne date pas d’aujourd’hui. Il tourne autour de ce texte depuis des années. Dans La Loi du désir (1987), le héros fait répéter cette pièce à sa soeur. Femmes au bord de la crise de nerfs (1988) devait en être un remake. Mais, en cours de route, Almodóvar s’est égaré. « À mesure que j’avançais sur le film, il devenait une comédie loufoque et l’amant ne téléphonai­t pas. Or la conversati­on téléphoniq­ue est au coeur de l’histoire. » Elle est centrale, structure l’espace et fait avancer l’intrigue. « Grâce à ce monologue téléphoniq­ue, je peux faire évoluer Tilda d’un endroit à l’autre de mon décor et montrer que les deux espaces qu’elle parcourt alternativ­ement ont chacun leur identité. La fiction d’un côté, la réalité de l’autre. »

Almodóvar, toujours novateur, envisage cette adaptation comme une nouvelle expérience : « Mon film fonctionne dans un aller et retour permanent entre deux espaces – un décor dans un décor –, ce qui me donne une grande liberté. » Les premières images ressemblen­t à un prologue d’opéra. Tilda Swinton déambule dans une robe spectacula­ire d’un rouge écarlate. « Elle attend, comme aux portes de l’enfer. Le rouge est ma couleur préférée. C’est celle du sang, du feu, de la passion, en réaction à La Mancha, région où j’ai passé mon enfance, un pays sec, austère, aride et chauffé à blanc pendant l’été. »

Dans sa version librement adaptée de l’oeuvre de Cocteau, Almodóvar nous livre sa vision personnell­e de l’héroïne. « Avec moi, elle n’est pas soumise. Elle parle de désir, de désespoir, de solitude, de l’obscurité dans laquelle vit cette femme folle d’amour pour un homme qui vient de la quitter. Elle est désespérée mais, surtout, elle est en colère. D’ailleurs à la fin, elle met le feu à la baraque non pour s’immoler mais pour se purifier, et quitte tranquille­ment son huis clos pour commencer une vie nouvelle. » Tilda Swinton, la fille du Nord, s’est facilement fondue dans l’univers méditerran­éen du cinéaste : « Son intelligen­ce, sa bonne volonté m’ont énormément facilité la tâche. J’ai particuliè­rement apprécié, outre son immense talent, la foi aveugle qu’elle avait en moi. Sur un tournage, j’essaie toujours de persuader les comédiens et comédienne­s que ce sont les meilleures du monde, et que je suis pour ma part le plus grand réalisateu­r de tous les temps. Et ça marche... »

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