« Réunir les éveillées», par Sonia Sieff.
Ma rencontre avec le féminisme a été sans appel. Un coup de foudre. Si bien qu’il est devenu le sujet de mon courtmétrage Camera Obscura, coécrit et réalisé avec mon alliée Mary-Noelle Dana, dans lequel une jeune fille se retrouve affichée en 4 par 3 sur les murs de notre capitale avec ce slogan : « Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. Le reste de l’année, on fait quoi ? » Tant qu’il y aura un jour dédié à la cause des femmes, nous aurons du boulot. Cette rencontre avec la cause fut déterminante dans ma vie. Que faisais-je, avant ? Avant, je dormais, bercée d’illusions, car élevée par un père qui assumait sa féminité. Puis j’ai travaillé et vécu avec des hommes, à côté… Des, qui ne veulent pas qu’on les dérange dans leurs mécaniques barbantes bien huilées ; des, qui vous mettent à terre au lieu de vous tendre la main… Bref, désormais, ce qui m’intéresse ne regarde pas ces hommes-là. Il s’agit de nous
réconcilier, entre femmes, pour nous faire mieux entendre. Réunir les éveillées, les féministes de la première heure et celles qui entrouvrent leurs yeux après un long coma. Ce que le Manifesto radical de Valerie Solanas * (1967) prône. Ce court passage est trop beau : « Le conflit ne se situe donc pas entre les hommes et les femmes, mais entre les femmes dominatrices, à l’aise, sûres d’elles, méchantes, violentes, égoïstes, indépendantes, fières, aventureuses, sans gêne, arrogantes, qui se considèrent aptes à gouverner l’univers, qui ont bourlingué jusqu’aux limites de cette société […], et les filles à son papa, gentilles, passives, consentantes […]. » Le grand défi, c’est qu’en prenant de la voix les rangs du féminisme ne se fissurent pas mais se gonflent de toute leur formidable puissance. Si la colère est légitime, elle n’est pas notre meilleure alliée. Car, que nous le voulions ou non, « les femmes prendront bientôt le monde en main », soutenues par des hommes qui ont compris que notre cause servait aussi la leur.