ÉLISABETH MORENO VOUS NE POUVEZ DEVENIR QUE CE QUE VOUS POUVEZ IMAGINER
La ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances lance un index de la diversité.
MADAME FIGARO. – Pourquoi mettre en place un index de la diversité ?
ÉLISABETH MORENO. - Dans ma fonction actuelle, je m’appuie beaucoup sur mon expérience passée en entreprise. Comment aider aujourd’hui les entreprises et les administrations à avoir un mode de recrutement et un développement des personnes plus inclusif ? Nous avons décidé de construire, avec des associations patronales et syndicales, un outil qui permettra à une entreprise de faire un diagnostic de son niveau de diversité et de prendre des actions correctives. Cet index devrait être mis en place d’ici à l’été, sur la base du volontariat. Je crois à l’intelligence collective. Par ailleurs, un nouveau testing a été réalisé ces derniers mois (opération qui consiste à constater toute forme de discrimination, par exemple par l’envoi d’un même CV avec deux noms différents, NDLR). Nous aurons les résultats dans quelques semaines. Nous avons une politique très volontariste sur ces questions. Pourquoi ne pas simplement instaurer des quotas ? Imposer des lois ne suffit pas toujours. Beaucoup de sociétés sont en tension aujourd’hui, elles peinent à recruter car elles ne s’ouvrent pas suffisamment à la diversité, notamment dans le secteur de la tech. Il faut les accompagner, leur permettre de réaliser que leur performance dépend aussi de leur capacité à recruter différemment. C’est un élément d’attractivité pour la jeune génération.
Dans votre parcours, avez-vous été victime de racisme ? J’ai été victime de sexisme, j’ai été victime de cette condescendance à laquelle les femmes noires sont confrontées. Cela ne m’a pas empêchée d’avancer, et j’ai rapidement évolué vers des entreprises hors de France… J’ai fait ma carrière à l’international, dans des groupes de taille mondiale et donc extrêmement diversifiés, avec une culture de management différente. Je ne suis pas sûre que j’aurais progressé si rapidement sans effectuer cette carrière à l’étranger.
Comment contrer les stéréotypes raciaux encore très présents dans le monde de l’entreprise ?
Par l’éducation, la sensibilisation et la formation. Et cela doit commencer dès le plus jeune âge. Mes parents m’ont élevée pour que je devienne une gentille mère et une bonne épouse, pas une chef d’entreprise ou une ministre. Sortir du schéma familial pour devenir ce que j’ai voulu être m’a demandé des efforts colossaux. Les rôles modèles sont essentiels. Angela Davis ou Gisèle Halimi m’ont montré un modèle différent, aujourd’hui Kamala Harris fait rêver des millions de filles et de femmes. Il faut trouver l’inspiration car vous ne pouvez devenir que ce que vous pouvez imaginer.
Comment agir sur les écarts de salaire entre les femmes noires et blanches ?
La discrimination doit être punie, comme le prévoit la loi. Il ne faut plus qu’il y ait d’impunité. C’est dans ce but que le gouvernement a lancé la plateforme de luttes contre les discriminations, joignable au 3928 ou via le site antidiscriminations.fr. L’égalité des droits, c’est avant tout l’égal accès aux opportunités. Vous considérez-vous comme un rôle modèle ?
Mes parents sont analphabètes, j’ai vu les humiliations qu’ils ont subies, c’est ce qui m’a donné l’envie et la force de me battre pour réussir. Quand je suis devenue vice-présidence de Hewlett Packard Afrique, les femmes noires se sont identifiées à moi – une enfant d’immigrés qui est retournée sur le continent pour diriger une filiale d’une multinationale américaine –, et ça a fait rêver. Je veux continuer à donner de l’espoir. Mais aussi saluer des femmes comme Babette de Rozières, Maïmouna Doucouré ou Hapsatou Sy, qui, chacune dans leurs domaines, sont inspirantes.