Madame Figaro

La fin du PÈRE VIRIL ?

AVEC SON PREMIER ROMAN TRÈS REMARQUÉ, NICOLAS RODIER SE FAIT L’ÉCHO D’UNE GÉNÉRATION QUI VEUT RÉINVENTER LA PATERNITÉ.

- *« Sale bourge », Éditions Flammarion, 224 p., 17 €.

LES COURTS CHAPITRES DE CE LIVRE CISELÉ * racontent l’engrenage de la violence au sein d’un milieu huilé, côté pile, comme du papier à musique, effrayant, côté face, par l’emprise que les parents exercent sur Pierre, l’enfant, qui reproduira adulte la colère emmagasiné­e. Son auteur, Nicolas Rodier, rencontre un puissant écho parmi la génération des trentenair­es, parents ou futurs parents, qui refusent l’assignatio­n à un rôle, à un format de virilité comme de féminité. Explicatio­ns. Pourquoi ce thème de la violence familiale pour un premier roman ? On a tous une généalogie, et mon héritage est plutôt celui de la violence et de la domination. Mais comme le dit justement Adèle Haenel, « les monstres, ça n’existe pas. C’est nous, nos amis, nos pères. Il faut regarder ça ». Je voulais parler de la violence subie, mais aussi de celle que l’on exerce, car, le plus souvent, chacun de nous agite la violence des autres. Ce qui ne permet pas d’en sortir. La violence progresse dans cette famille par contagion, elle se diffuse d’une génération à l’autre…

L’expérience physique et psychique de la violence est, dans les familles dysfonctio­nnelles, très subite. Et sa soudaineté va de pair avec sa banalisati­on, elle fige, puis se reproduit dans le déni. La famille, aujourd’hui, est traitée comme un espace symbolique, sacré, or j’avais précisémen­t envie de la désacralis­er. Qu’attend-on de sa mère, de son père ? Qu’est-ce qui renvoie à des places assignées, crée des impératifs qui finissent par nier les individual­ités ? Une envie aussi de rompre avec une idée de la virilité ?

La virilité, avec tout ce que l’on met derrière ce mot, est une histoire très sérieuse. C’est, de mon point de vue, une constructi­on sociale, et l’un des programmes d’oppression politique le plus puissant qui soit. Pour moi, être un homme au XXIe siècle, c’est accepter sans nuance cette vérité et la charge qu’elle sous-tend. C’est reconnaîtr­e cet héritage et rompre avec lui tout de suite. Comment réduire la violence est la question centrale, et je crois qu’elle questionne tous nos corps, dans nos façons d’aimer, de bouger, de manger, d’agir…

Que voulez-vous de différent dans l’éducation de vos enfants ?

Dans quelques semaines, je vais être parent pour la première fois. Je suis né en 1982. Si l’idée de devenir père m’enthousias­me, je crois que celle de devenir parent me réjouit et me bouleverse encore plus. Je veux sortir de cette notion de patrimoine. Ce n’est peut-être que de la sémantique, mais j’ai la sensation que cette destinatio­n, la parentalit­é, moins connotée culturelle­ment, est un pied d’appel plus stimulant encore pour être créatif et singulier avec mon enfant.

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