Madame Figaro

Confidenti­el : Arnaud Desplechin.

LE CINÉASTE VIENT DE RÉALISER TROMPERIE, D’APRÈS LE ROMAN DE PHILIP ROTH AVEC LÉA SEYDOUX.

- PAR PAOLA GENONE / ILLUSTRATI­ON MARC-ANTOINE COULON

Qu’est-ce qui vous a amené à tourner ce film ?

L’idée d’adapter ce roman me tourne dans la tête depuis quinze ans. J’adore ce livre : c’est un magnifique dialogue amoureux entre un écrivain américain et son amante anglaise, une histoire dénuée de jugement, avant le mouvement #MeToo. Je n’arrivais pas à le transposer en scénario, mais pendant le confinemen­t, j’y suis enfin arrivé. Tourner ce film avec Léa Seydoux a été ressourçan­t et enrichissa­nt. Je ne l’ai jamais vue jouer avec autant d’intensité. C’est une immense actrice, et je pèse mes mots.

Le principal trait de votre caractère ?

Je suis un hypersensi­ble, très maladroit. Le cinéma m’a appris à prendre soin de moi, ce que je ne sais pas faire dans le quotidien. Il m’aide à dépasser mes peurs, ma timidité. Celui dont vous êtes le moins fier ?

Je suis le cliché du Parisien stakhanovi­ste et citadin. Je n’aime pas la campagne, ça me fait peur. Ni les vacances, je préfère travailler.

Votre devise ?

« La vie, c’est un peu surévalué », comme disait Truffaut. Soyons sincères, la vie, c’est un peu ennuyeux, déprimant même… sauf quand elle est projetée sur le grand écran : le cinéma nous permet de réaliser que nos vies sont magnifique­s, passionnan­tes, trépidante­s et drôles. Et que la dépression est une illusion. Un héros d’enfance ?

Fellini, car c’est un cinéaste enchanteur et scandaleux. Pensez à Satyricon, à son portrait prodigieux d’une société romaine en pleine décadence : c’est beau, cru et comique à la fois. Fellini accepte la vie dans son obscénité et, pour un enfant, la vérité est magnifique. Le casting d’un dîner idéal chez vous ?

Wes Anderson et le documentar­iste Fred Wiseman. Avec eux, je ne crains pas l’ennui, ce qui est rare. On parle des personnage­s féminins du cinéma qui nous fascinent – comme ceux d’Hitchcock. Sinon, pour un repas de rêve, ce serait Sofia Coppola et Tarantino. Votre série télé préférée ?

The Wire, car chaque saison décrit une institutio­n américaine. On ne comprend pas un pays par ses personnage­s, mais par ses institutio­ns : police, justice...

Une musique ?

Celle de Georges Delerue me bouleverse. C’est l’orfèvre des musiques de Truffaut, l’artiste qui apporte une émotion supplément­aire à chaque scène. Votre madeleine de Proust ?

La salle de cinéma. Des amis qui en ont une m’ont récemment invité avec mon fils à une séance clandestin­e de La Strada de Fellini, qu’on venait de voir à la télé. En sortant, mon fils m’a dit : ce n’est pas le même film. Sur le petit écran, l’enchanteme­nt n’est pas le même. Godard disait : « Quand on regarde la télé, on baisse la tête. Au cinéma, on la lève. »

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