Madame Figaro

LIFESTYLE/Cuisine : tout sourit à Mory Sacko.

- PAR VANESSA ZOCCHETTI / PHOTOS BERNHARD WINKELMANN

APRÈS UN PASSAGE REMARQUÉ À TOP CHEF 2020, CE CUISINIER DE 28 ANS A OUVERT SON RESTAURANT, MOSUKE, EN SEPTEMBRE. MALGRÉ LA FERMETURE, IL A DÉCROCHÉ UNE ÉTOILE AU MICHELIN. ET FRANCE 3 VIENT DE LUI CONFIER UNE ÉMISSION. ITINÉRAIRE D’UN JEUNE HOMME VOLONTAIRE ET RAYONNANT.

Mory sacko, c’est d’abord un sourire irrésistib­le. Ce sourire qui l’a rendu si populaire l’année dernière quand il était candidat de Top chef, et qui rayonne encore dans son émission, Cuisine ouverte, diffusée sur France 3 (1). Si ce chef de 28 ans aux origines sénégalais­e et malienne a un incroyable capital sympathie, il est surtout un homme décidé. Sa voie, il l’a choisie dès la classe de 3e. « J’ai suivi ce que me dictaient mes goûts : manger la cuisine d’Afrique de l’Ouest de ma mère, rêver de la vie de palace et de grosses brigades. J’ai donc intégré le lycée profession­nel Antonin Carême à Savigny-le-Temple (77). » Mory Sacko s’initie au bourguigno­n, à la blanquette, au riz pilaf...

« Je me disais : “Waouh ! Je suis dans une branche où il y a tant à apprendre… Je ne saurai jamais tout !” » L’élan est là, et le conduit vers un bac profession­nel, en 2011, et un apprentiss­age dans un restaurant italien où il se frotte aux renoncemen­ts : « J’ai raté de nombreuses fêtes, mais cela ne me dérangeait pas tant j’étais pris par le feu du service. » Il a toujours en tête les prestigieu­ses adresses. « Pendant cette période, raconte-t-il, j’ai envoyé des lettres de motivation dans tous les palaces. » C’est le Royal Monceau qui lui ouvre ses portes. « Tous les mecs avaient un sacré niveau. Je n’étais pas tout à fait au point. Le chef Hans Zahner ne me lâchait pas. Au bout d’un an, j’avais rattrapé mon retard et j’ai fini chef de partie », précise-t-il. Puis Mory Sacko rejoint le Shangri-La : « Il n’y avait aucune violence, mais on ne souriait pas ! » Il recommence à postuler dans d’autres lieux et décroche le poste de ses rêves au Mandarin Oriental avec Thierry Marx. Il y restera quatre ans et demi et deviendra souschef. C’est fort de ce parcours, et tout sourire, que Mory Sacko annonce fin 2018 à Thierry Marx qu’il veut ouvrir son restaurant. Le chef l’encourage.

Pour mener à bien son projet, cet allergique aux concours s’inscrit à… Top chef. « Cette compétitio­n avait un triple intérêt, expliquet-il. C’était un tremplin médiatique, un moyen d’obtenir des prêts bancaires plus facilement et la possibilit­é de faire goûter ma cuisine un peu folle à des chefs étoilés. » Cette cuisine « plurielle » est conçue comme un voyage mariant des inspiratio­ns africaine, japonaise et française. Et elle plaît : les succès s’enchaînent... Quand il ouvre à Paris son restaurant MoSuke (2) au décor épuré, le 1er septembre 2020, les réservatio­ns arrivent en nombre et il affiche complet en une journée pour les deux mois à venir. Pandémie oblige, la fermeture des restaurant­s est annoncée ? MoSuke devient MoSugo, soit une offre de vente à emporter.

L’engouement est au rendez-vous. Et les récompense­s pleuvent : le Gault & Millau lui décerne le prix Jeune Talent 2020, le

Guide Michelin le couronne d’une étoile et du Young Chef Award… Les quelques chanceux qui ont goûté son menu avant que les restaurant­s ne baissent le rideau ont pu savourer un oeuf parfait à la japonaise, servi avec un bouillon dashi et une réinterpré­tation de l’onigiri twisté avec du porc gascon, du poivre de Penja et un beurre blanc monté au kombucha.

Ces clients ont sans doute succombé à son homard parfumé avec des piments végétarien­s fermentés, à la saveur fumée, et un miso à la tomate ajoutant de la rondeur ; à sa sole bretonne cuite dans une feuille de bananier avec une purée de livèche – un clin d’oeil au garba, recette ivoirienne. Il réinvente également le poulet Yassa sénégalais, avec une volaille culoiseau – la plus belle qui soit –, du yuzu, des oignons des Cévennes et de Roscoff, et le mafé malien, avec du boeuf de l’Aubrac maturé dans du beurre de karité. Ses desserts reflètent aussi ce va-et-vient entre les continents : avec une ganache au chocolat, biscuit à la fleur de sel fumé, glace et siphon de wasabi. « J’adore ce plat, car il permet de garder le piquant jusqu’au bout du repas et provoque des réactions », s’amuse Mory Sacko. Parler de sa cuisine le met particuliè­rement en joie : il ne sourit plus, il rit !

(1) « Cuisine ouverte », le samedi, à 20 h 25, sur France 3.

(2) MoSuke, 11, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris. mosuke-restaurant.com

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