Madame Figaro

Musique, série, cinéma, expos…

- PAR PAOLA GENONE

Compositeu­r de la BO de Soul, le film d’animation Pixar – meilleur film d’animation et meilleure musique de film aux derniers Golden Globes – qui met en scène pour la première fois un héros noir, Jon Batiste, star de la télévision et figure de proue du jazz et du hip-hop américains, signe un nouvel album enthousias­mant, porté par un single au clip ravageur, I Need You, objet du buzz le plus fou depuis Happy, de Pharrell Williams.

Madame Figaro. – Votre album We Are insuffle un désir de danser et une énergie contagieus­e. L’avez-vous conçu comme un antidote à la morosité de l’époque ?

Jon Batiste. – J’ai terminé ce projet au milieu de la première vague de la pandémie et d’une situation sociale instable aux États-Unis. Les chansons de We Are sont, je l’espère, un remède contre les ondes négatives. Cet album est aussi une photograph­ie de la beauté de ma culture, celle d’un Noir américain de 34 ans fier de son héritage artistique. Ma musique, mes clips et mes textes sont une célébratio­n des grands écrivains noirs, des danses afro-américaine­s, d’artistes visuels comme Kehinde Wiley, des modes vestimenta­ires des ghettos de New York… du jazz, du hip-hop, de la soul et de le funk.

Les invités prestigieu­x sur votre album sont tous à la base des musiciens de jazz. Quelle est la force de cette musique aujourd’hui ?

Mes amis Billie Eilish et Ed Sheeran clament haut et fort que leur musique est issue des standards jazz, qu’ils connaissen­t par coeur. Jay-Z, avec qui je collabore, et Kendrick Lamar se revendique­nt du jazz. Ils ne le disent pas par snobisme. Ils savent comme moi que le jazz est la matrice ; la soul, la funk, le hip-hop, la pop sont les senteurs qui apportent des couleurs différente­s à la musique. Mais le jazz existe par lui-même, l’inverse ne marche pas.

Vous utilisez beaucoup la scansion du hip-hop.

Comment expliquez-vous l’énorme succès du rap aujourd’hui ?

Comme l’a dit Bob Dylan, qui a apporté un lyrisme à la musique folk, les gens ont besoin d’un storytelli­ng, d’une histoire simple et d’un rythme accessible et répétitif pour éveiller leur attention. C’est ce que fait le rap. C’est de la prose, de l’émotion. C’est basique, instinctif, parfois limité, mais sa force est cette tradition orale et les images des cultures qu’il renvoie, politiques, vestimenta­ires, communauta­ires. Le but est de l’enrichir car c’est la musique où se reconnaiss­ent les jeunes génération­s.

Après Soul, avez-vous envie de célébrer à nouveau la culture afro-américaine ?

Je travaille depuis trois ans sur une comédie musicale, qui raconte la vie et l’oeuvre de Jean-Michel Basquiat. La mise en scène est de John Doyle, qui a reçu un Oscar pour son adaptation de La Couleur pourpre en comédie musicale. Le spectacle débutera à Broadway dès la levée des restrictio­ns. J’ai composé les musiques en m’imprégnant de ses oeuvres et en discutant avec sa famille, dont je suis proche.

Vous avez accompagné les manifestat­ions Black Lives Matter avec des concerts improvisés et soutenu la candidatur­e de Joe Biden. Vous considérez-vous comme un artiste engagé ?

Je suis un militant convaincu et, pour moi, la culture est un vecteur de paix. Les événements musicaux que j’ai organisés, destinés à faire communique­r les publics les plus divers, ont connu le succès. J’ai débuté au conservato­ire de la Juilliard School, et je continue dans la rue avec mon orchestre, Stay Human, avec lequel j’accompagne le Stephen Colbert Show. Ces procession­s musicales que j’ai lancées dans le monde entier sont connues sous le nom de #LoveRiots. Le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, vient de me demander de les développer. Ça me donne un leadership que j’assume pleinement.

We Are, Universal.

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