Madame Figaro

Joaillerie : le nouveau règne des bijoux genderless.

LA PLACE VENDÔME AFFRANCHIT SOUVENT SA HAUTE JOAILLERIE DE LA NOTION DE GENRE. CHOC DES CULTURES OU RETOUR AUX SOURCES ?

- PAR ANNE-SOPHIE MALLARD

L «A PREMIÈRE FOIS QUE J’AI PARLÉ DE JOAILLERIE AU MASCULIN, c’était il y a plus de vingt ans, quand la tendance commençait tout juste à émerger », se souvient l’historienn­e du bijou Vivienne Becker. Depuis, le bijou d’homme est devenu un véritable phénomène, d’abord repéré dans la rue avant de prendre possession des podiums de la Fashion Week masculine et de revenir influencer le quotidien. Désormais, il s’affiche partout : plus un seul défilé sans pièce de caractère (des colliers aux chaînes brutes aux mono-boucles d’oreilles délicates), et de nombreuses célébrités – Harry Styles ou Timothée Chalamet en tête – arborent fièrement perles et diamants sur les tapis rouges, s’amusant à bousculer les codes et à s’affranchir des genres.

Cette tendance inspire désormais le milieu feutré de la joaillerie. Premier signe observé en 2020 avec la collaborat­ion opérée entre Mikimoto et Comme des Garçons, bientôt suivie par Louis Vuitton qui fait incarner sa collection de bijoux LV Volt par un casting mixte, quand Boucheron pousse le challenge jusqu’à sa haute joaillerie pensée aussi bien pour la femme… que pour l’homme. « Claire Choisne, la directrice artistique de la maison, est vraiment à l’avant-garde, analyse Vivienne Becker. Elle repousse aussi bien les limites des matières que des stéréotype­s de genre. Il ne s’agit plus de séparer la joaillerie entre l’homme et la femme, mais de la rendre fluide. »

Le pari est moderne mais pas si nouveau, quand on regarde dans le rétroviseu­r de l’histoire. Des plastrons extraordin­aires des maharajas – notamment celui de Patiala, qui a fait forger ses plus belles pièces d’apparat sur la place Vendôme – aux couronnes des rois, le symbole est le même. « Il s’agissait avant tout d’un signe d’autorité, décrypte l’historienn­e. Leurs sujets s’attendaien­t à les voir porter leur fortune, cela inspirait respect et confiance. Dans la foule, on identifiai­t d’ailleurs le souverain grâce à ses bijoux. » Plus récemment, les années 1970 évoquent un âge d’or du bijou au masculin. Une époque libérée des convention­s, durant laquelle sont d’ailleurs nés quelques-uns des best-sellers des grandes maisons, à l’image du bracelet Love ou du Juste un Clou de Cartier, pensés par le designer Aldo Cipullo en pleine période Studio 54. De la même manière que ce souvenir imprègne toujours avec force la mode et la culture, cette liberté d’expression se retrouve aujourd’hui en joaillerie. « Les hommes ont toujours aimé les pierres, et on constate qu’ils investisse­nt à nouveau dans des pièces importante­s, des broches, mais aussi des bagues et des bracelets », souligne Vivienne Becker.

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