Madame Figaro

Nouvelle donne », par Naomi Campbell.

- PAR NAOMI CAMPBELL / ILLUSTRATI­ON MARC-ANTOINE COULON

AÀ mes débuts, très peu de femmes noires défilaient. Certains grands couturiers, comme Azzedine Alaïa, mon papa, ont bousculé le système en faisant travailler sans discrimina­tion des mannequins de couleur. Il y eut aussi Monsieur Saint Laurent, bien sûr, puis Gianni Versace. S’ouvrit alors une séquence de mode devenue légendaire. Depuis mes 18 ans, je me bats pour la diversité et l’inclusivit­é, et ce discours, mon discours, a été diversemen­t reçu.

On me disait « difficile » parce que je refusais d’être stéréotypé­e ou ostracisée, et que je n’acceptais pas d’être moins payée que les autres modèles. Les choses ont progressé, mais la route est encore longue. La mort tragique de George Floyd, l’apparition du mouvement Black Lives Matter et une vraie prise de conscience font que rien ne sera plus jamais comme avant, et on ne peut que s’en réjouir. Il s’agit désormais de comprendre et d’accompagne­r les nécessaire­s changement­s de civilisati­on. C’est à mon tour de faire entendre ma voix pour les autres. Pas seulement pour la communauté des mannequins, mais aussi en faveur des talents créatifs africains. Pour moi, l’Afrique n’est pas une découverte : je la porte aux nues depuis près de trente ans. J’y vais régulièrem­ent, de plus en plus fréquemmen­t, et je tiens absolument à ce que ces jeunes créateurs soient visibles, considérés et reconnus au même titre que ceux du reste du monde.

La grandeur de l’Afrique passe par sa jeunesse – son énergie, sa vibration, sa passion, ses savoir-faire uniques. Elle est là, bouillonna­nte, prolifique et créative, et l’avenir de l’Afrique est entre ses mains. Les cartes sont rebattues, les pays commencent à bouger, une nouvelle donne voit le jour. Pour ce numéro exceptionn­el de Madame Figaro, j’ai choisi d’être photograph­iée à Lagos, au Nigeria, par Prince Gyasi, un jeune artiste ghanéen. En trente-quatre ans de carrière – c’est fou de le constater –, je peux compter sur les doigts d’une main les fois où j’ai travaillé avec des photograph­es noirs… Il est urgent d’éveiller les conscience­s. Connecter ma culture.

Connecter les coeurs.

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