Madame Figaro

Business : Natalie Rastoin.

DANS UN CAILLOU DANS LA CHAUSSURE *, L’EX-PRÉSIDENTE D’OGILVY FRANCE, FONDATRICE DE POLYTANE, INCITE LES ENTREPRISE­S À SE RÉINVENTER.

- * Éditions de L’Observatoi­re.

Une heure de réveil ? 6 h 45. S’il faut remonter à l’origine ? Je suis Marseillai­se et j’y tiens. Dans ma famille d’industriel­s et d’élus, aucune différence n’était faite entre filles et garçons, ce qui m’a paradoxale­ment un peu desservie : il m’a fallu du temps, par la suite, pour comprendre le concept même de misogynie ! Je pensais faire l’ENA : après HEC, je suis entrée à Sciences Po, mais c’était trop français pour moi. En DEA à la Sorbonne, j’ai trouvé un stage en Angleterre chez Saatchi & Saatchi. Et je suis tombée dans la pub.

Un moment décisif ? Ce stage, donc. On est dans le Londres des années 1980, l’époque la plus excitante pour la pub, dans l’agence la plus en vue. Une période formidable de créativité, de connexion, de liberté.

On ne s’inquiétait pas trop de nos carrières.

Le pitch de votre poste ? Je viens de créer Polytane, une société de conseil, pour aider les marques à se renforcer de façon cohérente dans le temps. Et poursuivre la réflexion sur leur stratégie de communicat­ion, menée chez Saatchi & Saatchi, BDDP, puis Ogilvy pendant vingt-trois ans (agence dont elle occupait depuis 2015 la présidence pour la France, NDLR). C’est passionnan­t d’accompagne­r les changement­s sociétaux, culturels, humains…

Des obstacles sur la route ? Plutôt un manque d’opportunit­és. Les choses ont évolué, mais le problème reste l’accès aux responsabi­lités. La question est suffisamme­nt posée pour qu’il y ait des lois, ne serait-ce que sur l’écart de salaire, mais trop les ignorent.

Un défi pour demain ? Je suis frappée par la sous-évaluation du critère humain dans les décisions économique­s. Quand

70 % des fusions-acquisitio­ns ne réussissen­t pas, on pointe un problème humain, mais on ne pense jamais à le régler en amont. On fonde les décisions sur le rationnel, alors qu’on sait le poids de l’irrationne­l. Il faudrait intégrer dans le business les principes de l’économie comporteme­ntale. Mais c’est plus facile de parler de machines et d’IT.

Que voudriez-vous transmettr­e ? L’importance de refonder le sentiment d’utilité dans le travail : plus les gens seront convaincus de l’impact positif de leur entreprise, plus ils s’y sentiront utiles et plus ils seront loyaux. Il est temps que les entreprise­s retournent dans la cité plus que d’être sous l’emprise de l’actionnari­at, qu’elles repensent leur raison d’être en fonction de la société et du progrès. L’éthique de la technologi­e est aussi mon cheval de bataille. Des innovation­s extraordin­aires vont modifier nos modes de vie, et cette accélérati­on impose une réflexion sur leurs dérives potentiell­es.

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