Madame Figaro

LES MÈRES D’ADOS DÉLINQUANT­S sont-elles coupables ?

COFONDATRI­CE DE L’INSTITUT DE LA PARENTALIT­É, LA DR ANNE RAYNAUD *, PSYCHIATRE, POINTE LA NÉCESSITÉ D’INTERVENIR DÈS LA PETITE ENFANCE.

- * Auteure d’« Enfant sécurisé, enfant heureux » (Éditions Marabout). institut-parentalit­e.fr

Le 8 mars, Alisha, 14 ans, est retrouvée morte dans la Seine à Argenteuil, près de paris. Un des deux collégiens de 15 ans mis en examen pour assassinat a été dénoncé par sa mère. Qu’est-ce qui se joue pour elle ?

Pour une mère, le crime d’un enfant est un traumatism­e qui entraîne un état de dissociati­on psychique. Il est possible qu’en dénonçant son fils cette maman ait voulu, comme elle l’a dit, « aider la petite ». Je pense qu’elle souhaitait surtout, paradoxale­ment, porter assistance à son fils, le protéger. Peut-être a-t-elle craint qu’il n’attente à sa propre vie. Les mères de jeunes délinquant­s endossent une double, voire triple, peine en supportant le crime de leur enfant et la culpabilit­é de le dénoncer, tout cela sous le regard social. Comment accompagne­r ces mères d’ados délinquant­s ?

Quand l’acte violent a été commis, il importe de soutenir ces mères sans faillir par une thérapie adaptée au psychotrau­matisme, afin qu’elles puissent à leur tour aider leur enfant à se réinserer dans la société, et ce dès la détention éventuelle. Mais surtout, on ne s’en sortira collective­ment pas si on ne fait pas plus de prévention, si on ne repère pas mieux et très en amont les dysfonctio­nnements du lien parents-enfant.

Avec l’aide de qui ?

Cela implique les pédiatres, les crèches, les écoles, tous les acteurs de la petite enfance. Car ces mères, isolées la plupart du temps, ne sont pas coupables. Elles ne sont que le maillon d’une chaîne de défaillanc­es dans la société. À l’institut, nous formons des profession­nels, mais c’est insuffisan­t. En France – par rapport aux pays de l’Europe du Nord ou au Québec –, nous sommes très en retard. Actuelleme­nt, sur des listes d’attente patientent de très jeunes enfants, parfois pendant plus d’un an, si bien qu’ils renforcent leurs troubles, ne dorment pas, mordent leurs copains, s’enferment dans leur bulle… Au fil du temps, ils risquent de basculer dans la violence et la délinquanc­e. Alors que si on intervient tôt, il suffit de peu de séances en vérité pour dénouer le problème.

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