LA CHRONIQUE DE COLOMBE SCHNECK LECTRICE ET ÉCRIVAINE
J’ai hésité avant d’écrire sur l’histoire de cette femme de 60 ans qui raconte sa vie sexuelle, utilise des gros mots, calcule sa future retraite, vole chez Franprix… Cela ne me paraît pas très compatible avec la lectrice élégante et raffinée de ce journal. Mais, il y avait ce titre,
À la piscine avec Norbert… N’importe quel titre avec le mot piscine me fait rêver. Et puis je me suis renseignée sur Véronique Pittolo. Elle est poétesse, a reçu le Prix de poésie de la Société des gens de lettres. J’avais besoin d’assurance. C’est bon, tu peux y aller ! Les lectrices de Madame Figaro n’ont pas toutes 23 ans, il leur arrive peut-être en cachette d’avoir des fantasmes sexuels, comme la narratrice de ce roman, avec un type comme Norbert qui, « après avoir essayé de lire trois fois À la
recherche du temps perdu, s’était décidé pour la version en bande dessinée ». Il est un amant très imaginatif, je ne vais pas détailler ici ses prouesses sexuelles (pour cela, il faut lire le livre), mais je peux juste dire que, pour un homme de son âge, elles sont tout à fait intéressantes. Elle a peur, elle y va quand même, elle a un compte sur Meetic et elle nage (elle, c’est moi). Un jour, un trentenaire lui reproche de prendre trop de place dans l’eau, d’être « trop au milieu ». Elle trouve qu’il exagère. Elle a raison. Je me souviens d’un maître-nageur qui m’avait conseillé de prendre plus de place dans la ligne d’eau, d’écarter mes bras devant au lieu de les resserrer. Dans la tête de la narratrice, les idées se succèdent à toute vitesse, ce n’est pas bien rangé et beau comme dans ce magazine, mais c’est la tête et le corps d’une femme de 60 ans vivante qui n’a pas envie de faire le ménage et qui a des amants (il n’y a pas que Norbert dans la vie) et va à la piscine. Une femme qui prend de la place, quitte à parfois déranger les autres, « être trop au milieu ». C’est pour cela qu’il faut la lire, même si vous avez 23 ans et que votre amant lit Proust...