ENSEIGNANTE-CHERCHEURE
“Les nouvelles quinquagénaires sont des pionnières”
Pourquoi les femmes de 50 ans sont-elles si mal comprises par le marketing ?
J’ai commencé à m’intéresser à ce sujet dès 2010, au moment où Danone a voulu lancer Densia, un yaourt enrichi en vitamines et calcium, censé aider à lutter contre l’ostéoporose. Le produit a fait un flop et n’a pas passé le marché test. Comment, avec leurs cadors du marketing, avaient-ils pu rater cela ? Quelques années plus tard, Yoplait a eu la bonne idée d’ajouter un petit « + » à sa marque Calin. Le produit était moins stigmatisant, il n’y avait qu’un « + » entre le produit classique et le produit senior. Le constat, c’est que les marques ne savent pas comment représenter et cibler les femmes de 50 ans, ici âgées, là matures…
La catégorie senior leur convient-elle ?
Elles ne s’y reconnaissent pas du tout. Pour elles, c’est une période liminale. Les femmes de cette génération ont toujours connu le travail, la possibilité d’être indépendantes économiquement et de décider de leurs grossesses. Elles dessinent un nouveau portrait de la femme quinquagénaire. Ce sont des pionnières.
Quelles réalités la vieillesse recouvre-t-elle ?
Personne n’est capable de dire quand commence la vieillesse. Pour les médecins, c’est 70 ans, l’âge où les premiers signes des maladies invalidantes apparaissent. Pour le marketing, c’est à partir de 50 ans, mais, pour l’OMS, le seuil est fixé à 60 ans. Les femmes de 50 ans aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’il y a vingt ans, évidemment. Néanmoins, les modèles identificatoires positifs, comme Sophie Marceau, Jennifer Aniston ou Julia Roberts, sont encore rares. Cela change, mais au rythme de la société, c’est-à-dire doucement.
Les normes sociales visent-elles toujours davantage les femmes ?
Que l’on ait 20 ans ou 50 ans, les normes sociales
– « je n’ai pas le bon corps » – sont les mêmes, de sorte que les quinquagénaires doivent répondre aux mêmes contraintes esthétiques que les femmes plus jeunes. Mais oui, il existe un double standard du vieillissement entre hommes et femmes. Un homme poivre et sel, c’est sexy. Mais un magazine vient d’utiliser le terme d’« exploit » pour qualifier la décision de Letizia d’Espagne d’assumer à 48 ans ses cheveux blancs. « Les hommes mûrissent, les femmes vieillissent. » L’adage a du mal à bouger en profondeur.