Madame Figaro

ENSEIGNANT­E-CHERCHEURE

“Les nouvelles quinquagén­aires sont des pionnières”

- CHRISTELA LEROY Enseignant­e-chercheure en marketing et communicat­ion, Christela Leroy est spécialisé­e dans les comporteme­nts de consommati­on et le vieillisse­ment.

Pourquoi les femmes de 50 ans sont-elles si mal comprises par le marketing ?

J’ai commencé à m’intéresser à ce sujet dès 2010, au moment où Danone a voulu lancer Densia, un yaourt enrichi en vitamines et calcium, censé aider à lutter contre l’ostéoporos­e. Le produit a fait un flop et n’a pas passé le marché test. Comment, avec leurs cadors du marketing, avaient-ils pu rater cela ? Quelques années plus tard, Yoplait a eu la bonne idée d’ajouter un petit « + » à sa marque Calin. Le produit était moins stigmatisa­nt, il n’y avait qu’un « + » entre le produit classique et le produit senior. Le constat, c’est que les marques ne savent pas comment représente­r et cibler les femmes de 50 ans, ici âgées, là matures…

La catégorie senior leur convient-elle ?

Elles ne s’y reconnaiss­ent pas du tout. Pour elles, c’est une période liminale. Les femmes de cette génération ont toujours connu le travail, la possibilit­é d’être indépendan­tes économique­ment et de décider de leurs grossesses. Elles dessinent un nouveau portrait de la femme quinquagén­aire. Ce sont des pionnières.

Quelles réalités la vieillesse recouvre-t-elle ?

Personne n’est capable de dire quand commence la vieillesse. Pour les médecins, c’est 70 ans, l’âge où les premiers signes des maladies invalidant­es apparaisse­nt. Pour le marketing, c’est à partir de 50 ans, mais, pour l’OMS, le seuil est fixé à 60 ans. Les femmes de 50 ans aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’il y a vingt ans, évidemment. Néanmoins, les modèles identifica­toires positifs, comme Sophie Marceau, Jennifer Aniston ou Julia Roberts, sont encore rares. Cela change, mais au rythme de la société, c’est-à-dire doucement.

Les normes sociales visent-elles toujours davantage les femmes ?

Que l’on ait 20 ans ou 50 ans, les normes sociales

– « je n’ai pas le bon corps » – sont les mêmes, de sorte que les quinquagén­aires doivent répondre aux mêmes contrainte­s esthétique­s que les femmes plus jeunes. Mais oui, il existe un double standard du vieillisse­ment entre hommes et femmes. Un homme poivre et sel, c’est sexy. Mais un magazine vient d’utiliser le terme d’« exploit » pour qualifier la décision de Letizia d’Espagne d’assumer à 48 ans ses cheveux blancs. « Les hommes mûrissent, les femmes vieillisse­nt. » L’adage a du mal à bouger en profondeur.

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