Madame Figaro

: kintsugi, késako ?

JAPONAISE CETTE TECHNIQUE PERMET DE RÉPARER UN OBJET EN SUBLIMANT SES CASSURES. ELLE ILLUSTRE AUSSI UNE PHILOSOPHI­E DE VIE.

- PAR VANESSA ZOCCHETTI

MYRIAM GREFF, l’une des rares spécialist­es, avec Martine Rey, du kintsugi en France, ne répare pas seulement les céramiques et les porcelaine­s, elle restaure aussi les âmes. « On ne vient pas dans mon atelier par hasard, explique-t-elle. Cette technique japonaise de jointure à l’or et à la laque, qui permet de redonner usage à un objet, est une acceptatio­n de la cassure. On ne la cache pas, on la transforme pour en faire quelque chose de nouveau et de beau. L’une de mes clientes est tétraplégi­que. Elle m’a adressé une photo d’elle avec une pièce que j’avais restaurée et elle m’a expliqué que ce travail parlait de son existence : qu’elle pouvait être dans un fauteuil tout en étant une belle personne. » Le kintsugi, long et précis, s’apparente ainsi par bien des aspects à une thérapie. « Quand on me dépose un objet, on me parle de son histoire, de l’accident qui a pu l’abîmer. On me confie donc un peu de son intimité, poursuit-elle. De plus, j’ai besoin de deux mois minimum pour une interventi­on basique. Il ne faut pas être pressé car le temps – et un budget de départ en moyenne de 500 € – fait aussi partie de ce processus de reconstruc­tion. » Mais cette attente est récompensé­e : vases, statuettes, bols, plats… après être passés entre les mains de Myriam Greff sont différents, et ont gagné en force évocatrice. Ils sont aussi de nouveau fonctionne­ls, y compris à table, car le kintsugi est la seule technique permettant une réutilisat­ion alimentair­e. Diplômée d’un master de restaurati­on du patrimoine, Myriam Greff ne reviendrai­t pour rien au monde à ce qu’elle désigne comme la restaurati­on illusionni­ste : « Camoufler les cicatrices, cela signifie pour moi rester figé dans le passé. Or, il faut avancer. » Accepter ses défauts pour s’épanouir, pourrait être l’une des leçons à tirer du kintsugi. Martine Rey y voit, elle, un art de l’humilité, de la reconnaiss­ance et non de la brillance. À méditer.

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Un bol à thé et un vase boule restaurés, selon la technique du kintsugi, par Myriam Greff.
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