Madame Figaro

ÉDITO/« Histoires intimes », par Lou Doillon.

- PAR LOU DOILLON, AUTEURE, COMPOSITRI­CE, INTERPRÈTE ET DESSINATRI­CE / ILLUSTRATI­ON MARC-ANTOINE COULON Dernier EP : « Look at Me Now », disponible en édition limitée. Présente l’émission « Lou et moi » sur RTL 2, tous les dimanches à 19 heures.

Il y a la bague que tu m’avais offerte, et que tu as jetée par inadvertan­ce dans le globe WWF de l’aéroport de Toronto. Il y a la montre que je t’ai offerte, que tu as jetée dans la rivière, devant moi, en disant : « Celle-là, je ne la perdrai jamais. » Il y a le petit rubis, goutte de sang, que je t’ai offert pour sa naissance. Il y a la bague que tu as offerte à mon père, qui me l’a donnée pour mes trente ans. Il y a le diamant dans le coffre, que je n’ai jamais vu, mais qui sera le mien quand tu ne seras plus. Il y a le bracelet que tu lui as offert, avant qu’il ne t’offre le même.

Il y a le trèfle que je me suis donné avant les Victoires de la musique. Il y a la bague que j’ai prise en vacances comme garantie, qui est partie dans la première vague. Il y a le coeur en or avec ta marque de dent, preuve que je suis née. Il y a la montre qui nous a sauvés, plusieurs fois mise en gage chez ma tante. Il y a le collier que tu as offert à toutes tes filles, et que j’ai perdu adolescent­e, et que je cherche encore.

Il y a le bouledogue que tu as trouvé dans un marché à Chicago, il y a le traditionn­el collier de pâtes que tu m’as fait pour la Fête des mères, il y a le lapis que j’ai trouvé à New York, convoité trois jours de suite, d’un certain Lou. Il y a le mégot en or que tu es venu me déposer à la maison, histoire que je me souvienne qu’il est temps d’arrêter.

Il y a la goutte d’ambre que tu m’as offerte avant que je te quitte. Il y a la bague aux armes de ta famille, que j’ai portée en attendant que ton doigt grandisse assez. Il y a le diamant que tu as certifié sur le miroir, chez Lapérouse, comme les courtisane­s du siècle dernier. Il y a tes bijoux qui ont fondu dans l’incendie d’Old Church Street.

Il y a l’alliance qu’on t’a volée dans le cambriolag­e de l’avenue Gambetta, c’était tout ce qui te restait de lui. Il y a le diamant que tu avais caché dans une boîte de Lexomil, qu’on a retrouvée des années plus tard dans la poubelle que le déménageur avait mise en carton, sans la vider. Il y a la montre de mes 18 ans, que tu n’as toujours pas gravée. Les bijoux qui nous font et nous défont. L’intime au doigt, l’intime au cou.

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